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Humbert aux Blanches-Mains est l'ancêtre des comtes de Savoie. Il est né vers 975 et décédé assez âgé en 1042. Il s'est marié, à l'orée du XIe siècle, à Auxiliende.

 

Pièce de monnaie émise par Humbert I. Source : Histoire généalogique de la royale maison de Savoie (Guichenon [1]).

 

Les ascendances d'Humbert et de son épouse sont strictement inconnues mais l'importance d'Humbert, dès son apparition au tournant de l'an mil, a incité les médiévistes des siècles passés à relier cette famille à la grande noblesse par l'intermédiaire de l'aristocratie post carolingienne installée dans le Dauphinais (Bosonides ou Hugonides). En revanche, les historiens modernes (L Ripart [2], F Demotz [3], C Ducourtial [4]...) ne semblent pas adopter ces thèses anciennes mais ne proposent que des pistes de travail (très différentes de celles de jadis) et, donc, le problème des ascendants d'Humbert aux Blanches-Mains persiste...

 

D'après la théorie qui se développe aujourd'hui, les comtes en Viennois ont disparu, sous l'impulsion des Rodolphiens, après le décès du dernier Bosonide (Charles-Constantin) ayant encore quelques pouvoirs (jusqu'en 962). Ce sont les évêques qui bénéficient de cette mesure et qui s'emparent de l'autorité publique (Humbert, évêque de Grenoble ou Odon, frère d'Humbert aux Blanches-Mains, évêque du Belley par exemple...). Dans une étape ultérieure, la patrimonialisation des biens d'église a favorisé la formation de comtés et l'émergeance de puissantes dynasties à l'image des Humbertiens ou des Guigonides.

 

Il faut que les premiers Humbertiens aient bénéficié de circonstances très favorables pour devenir un des lignages prépondérants de l'espace rhôdanio-alpin dans un laps de temps aussi court (à peine une trentaine d'années) mais à l'évidence, ils appartiennent à l'entourage des Rodolphiens et une parenté étroite entre Ermengarde (dernière épouse de Rodolphe III) et Humbert a été mise en avant par les historiens modernes.

 

F Demotz écrit que les Humbertiens n'ont aucune profondeur généalogique, aucun ancêtre illustre connu. D'après cet auteur, les préhumbertiens pourraient être constitués de plusieurs groupes familiaux issus du nord de la Bourgogne ducale et installés en Viennois où ils se seraient fondus (Les Anselmides, les Aymonides, les Lenzbourg...). L Ripart tient un discours analogue à quelques petites différences près qu'il faut analyser. Toutefois, tous deux remarquent, et ce n'est pas anecdotique, que l'anthroponyme Humbert nous ramène encore et toujours aux Bosonides.

 

Les généalogistes de la maison de Savoie sont évidemment frustrés de n'avoir pas réussi à percer le mystère des ancêtres des Humbertiens alors que de nombreuses études ont été effectuées sur ce thème depuis l'époque de Samuel Guichenon (1607 - 1664). Les résultats obtenus n'ont jamais été très convainquants et manquent de force (leur multiplication les affaiblit). Pourtant, les chercheurs ont fait preuve d'ingéniosité et ont déployé tous les moyens à leur disposition pour débusquer les ancêtres d'Humbert et d'Auxiliende.

  • L'onomastique est la principale arme utilisée par ceux qui ont tenté l'aventure. Les prénoms des fils d'Humbert (Amédée, Burchard, Aimon et Eudes) ont servi de fil rouge. Si on ajoute Humbert, il devient difficile de tenir compte de chacun d'entre eux et presque tous les historiens ont fait des choix ;
  • L'histoire du Viennois, du Sermorens, du Belley, de la Savoie, du Val d'Aoste et de la Maurienne ont été décortiquées par maints auteurs qui n'en ont pas toujours tiré les même conclusions ;
  • Les biens des Humbertiens se situent originellement dans le Genevois (possessions anciennes), le Sermorens (région entre Vienne et Grenoble) et le sud du Belley. D'après Demotz, leurs biens éparpillés témoignent d'une installation récente en Viennois et leur intérêt pour le Val d'Aoste pourrait s'expliquer par un enracinement plus ancien dans cette région. 
  • La chronologie, aussi, est un critère de choix dans cette recherche. La génération précédent Humbert ayant vécu dans la seconde moitié du Xe siècle, c'est à cette époque qu'il faut trouver les parents des premiers Humbertiens...

 

Après une rapide présentation d'Humbert, d'Auxiliende, et de leur parentèle, nous nous attacherons à rappeler quelques-uns des systèmes qui ont été proposés par les historiens du Dauphinais et de la Savoie afin de donner une ascendance aux premiers Humbertiens. Nous revisiterons les travaux de :

  • Vignet [5] qui suppose, comme Guichemon, que cette dynastie descend de la race saxonne, à travers un certain Bérold père d'Humbert (cette légende est tenace et nous la rencontrons encore très souvent) ; Ce Berold/Berthold serait fils d'Hugues de Saxe, lui même fils d'Immed, proches parents des premiers Othoniens ; Vignet reconnait qu'on ne retrouve aucune trace de ce Bérold en Savoie (nous ne reviendrons pas sur cette thèse obsolète) ;
  • Carutti [6] qui a cherché les Amédée et les Humbert apparaissant en Dauphiné au cours du Xe siècle (1886) ;
  • Gingins La Sarra [7] qui rapproche Humbertiens et Bosonides (1865) ;
  • Manteyer [8] qui lie Humbertiens et Hugonides (1899) ;
  • C.W. Prévité-Orton [9] qui, après un tour d'horizon des propositions précédentes, se lance lui aussi dans une théorie qui manque de fondements (1912) ;
  • Reymond [10], sans doute l'auteur le plus original, qui fait des Vermandois les ascendants d'Humbert aux Blanches-Mains  (1919) ;
  • Chaume [11] qui reprend le système de Manteyer mais en ajoutant plusieurs modifications et améliorations (1929).

avant de conclure sur les deux thèses modernes, qui se ressemblent dans l'esprit mais qui se distingue très nettement dans le détail :

  • L Ripart [12] qui consacre sa thèse à la famille d'Humbert;
  • F Demotz [13] qui analyse la situation familiale et politique des premiers Humbertiens.

Qui sont Humbert et Auxilia :

En préambule à cette investigation sur les ancêtres des Humbertiens, nous pouvons nous appuyer sur quelques certitudes :

  • Hormis ceux  du Genevois, les domaines allodiens des premiers Humbertiens sont situés dans le Sermorens, entre Vienne et Grenoble, et dans le sud du Belley ; Ces biens sont dispersés et cette famille ne contrôle aucune grande cité ;
  • Les quatre prénoms masculins qui reviennent le plus souvent dans les premières générations des Humbertiens sont : Humbert, Odon, Aimon, Amédée (qui n'intervient qu'à la seconde génération) et Burchard ;
  • Aimon, fils d'Humbert aux Blanches-Mains est le neveu d'Ulrich/Ouri de Lenzbourg ;
  • Burchard III, fils d'Humbert, archevêque de Lyon, est le neveu de Burchard II, autre archevêque de Lyon et fils illégitime de Conrad et d'Aldiud.

 

La parentèle d'Humbert et de son épouse :

Humbert aux Blanches-Mains est donc né vers 970. Il apparait dès 1000 dans une charte du Sermorens. Aucun document ne nous permet de savoir qui sont ses parents, pourtant sa parentèle n'est pas totalement inconnue.

 

Les frères et soeur :

Il est le dernier d'une fratrie qui comprend :

  • Odon, évêque du Belley dès 995 et jusqu'en 1003 au moins ;
  • Burchard époux d'Ermengarde d'où Aimon. Burchard et son fils font, en 1023, une donation de Saint-Genix à Saint André le Bas [14] de Vienne (n° 211) pour l'âme du roi Conrad, de la reine Ermengarde, de l'archevêque Burchard II, du comte Humbert et de sa femme, pour les âmes de ses père et mère (à Burchard), d'un comte Aimon et pour celle de son épouse, la contesse Ermengarde (peut-être la veuve du comte de Genève Manassès).

L Rippart suggère qu'Ermengarde, troisième épouse du roi Rodolphe III, soit la soeur d'humbert. L'hypothèse n'est pas acceptée par F Demotz qui préfère une parenté moins proche (les documents ne citent pas le lien familial existant entre ces deux personnages).

 

Odon est décédé avant 1029 et Burchard après 1023. Cette génération a donc vécu à cheval sur le X et XIe siècle.

 

L'épouse :

Humbert épouse Auxiliende/Ancilie vers l'an mille. F Demotz, ne rejette pas, à priori, qu'Humbert ait été marié une seconde fois, d'autant plus qu'il a vécu longtemps.

 

Auxiliende pourrait appartenir aux maisons :

  • de Solignac dont elle porte le prénom caractéristique (C Settipani [15] d'après une idée de M Chaume) ;
  • des Anselmides. A la seconde génération, les Humbertiens semble hériter des biens anselmides. Certains historiens ont cru apporter une preuve en constatant qu'Anselme et Aldiud (maitresse de Rodolphe II) ont un fils Ulrich qui pourrait être l'oncle d'Aimon fils d'Humbert mais cet argument est irrecevable car Ulrich n'a jamais porté de titre alors que l'oncle d'Aimon est comte.
  • de Lenzbourg car Ulrich [de Lenzbourg] pourrait être cet oncle d'Aimon qui porte le titre de comte.

 

Auxiliende est décédée après 1030 car elle est présente à une donation de son fils au prieuré du Bourget à cette date.

 

Les enfants :

Les fils d'Humbert et d'Auxiliende sont au nombre de quatre :

  • Amédée, comte, marié à Adèle. Le couple fait plusieurs donations au prieuré du Bourget vers 1030 ;
  • Burchard III, évêque d'Aoste qui, au décès de son oncle, s'empare de l'archevêché de Lyon ; Il est, d'après Raoul Glaber, le neveu de Burchard II (Chaume p 234) ;
  • Odon, comte et marquis, marié à Adélaïde de Turin. C'est le successeur de son père ;
  • Aimon, évèque de Sion. En 1032, il reçoit des terres (Leyton et le château de Saillon) provenant de son oncle le comte Ulrich/Ouri (Chaume p 234).

 

Les colatéraux :

  • Burchard II, évêque avant 1022, puis archevêque de Lyon, demi-frère de Rodolphe III, fils naturel du roi Conrad et Aldiud est l'oncle de Burchard III (Oncle à la mode de Bretagne ?).
  • Ulrich, comte de Lenzbourg, est l'oncle d'Aimon, fils d'Humbert aux Blanches-Mains. Rappelons que les historiens ont hésité à proposer Ulrich fils d'Anselme et d'Aldiud pour oncle d'Aimon, mais il n'a jamais porté le titre de comte.

 

La carrière d'Humbert :

Il est tout à fait possible que les Humbertiens aient profité de circonstances favorables pour constituer une principaupé à l'intérieur du royaume de Bourgogne. Au mileu du dixième siècle, la région est ravagée par les Sarrazins qui sont expulsés du Freinet par Guillaume de Provence aidé d'Aimon, brigand des Alpes, et quelques autres Grands de Bourgogne. La réorganisation du pays a forcément profité aux vainqueurs qui se sont appropriés les terres. Mais, plus encore, la proximité entre Humbert et la reine Ermengarde, femme du roi de Bourgogne Rodolphe III, a permis le développement de la famille.

 

Odon, évêque du Belley, apparait pour la première fois après 995 mais avant 1001. Il échange des biens propres situés dans le Belley contre la terre de Traize dans le même comté (Chevalier [16]). Odon est le frère d'Humbert.

 

Odon donne, en 1000, une terre à cultiver située à Chatonnay au pays de Grenoble. Cette charte est signée par Oddoni episcopus, Buorcadi et Uberti et il cède en 1003 une terre au même lieu. L'acte est signé par Hotdoni episcopus et Umberto comiti (cartulaires de l'église cathédrale de Grenoble [17]).

 

En 1009, Humbert apparait dans une charte auprès de la famille royale de Rodolphe III et de sa femme Agiltrude pour un don à Guigues d'Albon (Saint André le Bas et RD [18] n° 1591). Il est, dès cette époque, un personnage important à la cour du roi Rodolphe III.

 

Le rôle d'Humbert auprès de Rodolphe III semble encore s'accroitre après 1010 et le mariage du roi avec Ermengarde que les historiens modernes soupçonnent d'étre la veuve de Robold de Provence. Les terres concédées en douaire par Rodolphe III à son épouse sont très vite assimilées au patrimoine Humbertien (Ripart).

 

Le 20 mai 1018, Humbert sert d'arbitre entre l'abbé de Cluny, Odilon, et un certain Ratcher qui dispute au couvent de Romainmôtier des biens situés à Bougel, au comté des Equestres (Reymond).

 

Le 19 octobre 1025, Humbert approuve un échange de biens au pays d'Aoste. Son fils Burchard est alors évêque du même lieu. Le 16 novembre 1025, Humbert, comte, approuve un autre échange à Aoste, de concert avec l'évêque Burchard, avec un nommé Frecio (Carutti).

 

Vers 1030, le comte Humbert fonde le prieuré du Bourget, en présence de ses fils Aimon, Amédée et Odon. cette donation est confirmée le 22 octobre 1030, en présence d'Ancilie sa femme, de son fils Amédée et son épouse Adèle, par le roi Rodolphe et sa femme Ermengarde (CLU [19] n° 2789).

 

Dans les années 1030, Humbert s'engage à observer ses prescriptions pacifiques dans un espace bien délimité (évêché de Vienne, évêché et comté de Belley, comté de Sermorens...). Ce serment de paix d'Humbert donne les limites du comitatus d'Humbert qui débordent largement celle de Belley.

 

Juste avant son décès survenu en 1032, le roi Rodolphe et sa femme Ermengarde fondent le prieuré de Lemenc. Humbert et son fils Odon signent l'acte avant même les évêques présents.

Source : La maison de Savoie (Marie-José)

 

A la même époque, Humbert signe encore la fondation du prieuré de Talloires près d'Annecy par la reine Ermengarde (Savigny [20] n° 639). La signature d'Humbert est parfaitement visible sur l'acte.

 

 

En 1032, le comte Humbert échange des terres avec un couvent d'Aoste (Reymond).

 

En 1033,  la reine Ermengarde se rend auprès du roi Conrad le Salique accompagné d'Humbert qu'elle nomme son advocatus dans une charte. Humbert adhère immédiatement au parti de l'empereur qui le nomme son lieutenant général pour commander les troupes italiennes qui doivent l'aider à conquérir la Bourgogne contre Eudes de Blois, autre neveu de Rodolphe III et prétendant à sa succession. Conrad triomphe et, en récompense des services rendus, accorde à Humbert, divers droits sur la Maurienne. Par un tour de force dont on ne connait pas le détail, Humbert parvient à mettre la main sur l'atelier monétaire d'Aiguebelle et impose à l'évêque de Maurienne de reprendre ses biens en fief de lui (Ducourthial p 237).

 

Le 29 décembre 1034, Humbert signe une donation du marquis Odon, son fils et de sa femme Adélaïde au monastère de saint-Juste de Suse (Reymond).

 

En 1040, à Aoste, il fait une donation  au chapitre d'Aoste (Reymond)

 

Le 21 janvier 1042, Humbert donne des biens en Savoie au prieuré de Saint-Laurent de Grenoble et confirme le don le 10 juin suivant. Ses fils l'archevêque Burchard, l'évêque Aimon, le comte Amédée et Odon signent les actes : ...Ego Upertus, comes, manibus meis firmo et testes firmare rogo. S Brochardi, archiepiscopi. Sigum Aimoni, épiscopi. S Ameei. S Odoni...(cartulaires de l'église Cathédrale de Grenoble XIX et XX A).

 

 

Sur les anciennes pistes d'Humbert et d'Auxiliende :

Les experts ont tous utilisé la même trentaine de chartes comme matière première de leur déduction. Ce n'est que sur l'interprétation qu'ils se différencient. Ils ont aussi puisé dans leur connaissance des faits historiques relatifs à la Bourgogne pour forger des pistes plus ou moins crédibles. Georges de Manteyer soulignait que si l'historien se contentait de ce qu'apporte les textes, les connaissances ne progresseraient pas beaucoup...

 

L'arbre proposé par Carrutti (1886) :

L'auteur ne cherche pas à faire descendre les futurs comtes de Savoie de la grande aristocratie bourguignone.

 

En 926 apparait un Amédée, qui n'est pas comte, à un plaid royal à Saint-Gervais près de Genève réglant un différent entre Anselme, comte des Equestre et Hugues (CLU n° 256).

 

En 943, figure un Humbert, qui n'est pas comte, dans un jugement prononcé par le roi Conrad entre Charles-Constantin et les moines de Cluny.

 

En 952, les armes royales battent Sarrazins et Hongrois. Humbert le Vieux, fils d'Amédée le Vieux, par ses actions dans cette guerre aura acquis une plus vaste seigneurie. Ses fils Amédée et Humbert lui succèdent dans ses titres et appanages (Carutti).

 

En 977, Amédée et Humbert, frères, signent une confirmation de dons à Saint-Chaffre par le roi Conrad (Saint-Chaffre [21] n° CCCXXII).

 

Cette généalogie ne s'appuie que sur des intuitions. Aucune charte ne permet de dire qu'Humbert est fils d'Amédée le Vieux, pas plus que les Humbert et Amédée de la charte de Saint-Chaffre soient ses fils. Ils ne sont pas frères non plus. Par contre, le prénom d'Amédée est extrêment rare dans le Dauphiné et il est bien possible qu'Amédée signataire de la charte de Saint-Chaffre soit un ascendant des premiers Humbertiens.

 

Carutti ajoute une seconde difficulté en dédoublant inutilement la famille en deux branches.

 

L'arbre proposé par Gingins-La-Sarra :

Dans son article publié dans le tome XX de "Mémoires et documents de la Suisse Romande", Gingins La Sarra s'appuie essentiellement sur le critère onomastique. Pour cet auteur, l'important est de montrer que les Humbertiens sont les descendants des Bosonides (idée qui n'est pas neuve et se retrouve dans l'ouvrage de Samuel Guichenon I p 166). Il identifie donc Hubert, fils incontestable de Charles-Constantin, lui même petit-fils de Boson, éphémère roi de Mantaille, au grand-père d'Humbert aux Blanches-Mains.

 

Charles-Constantin, écrit l'auteur, décédé vers 961, laissait au moins un fils, le comte Hubert qui lui succéda dans le comté patrimonial du haut-Viennois.... On voit, continue-t-il, par deux chartes des années 971 et 975 que le Haut-Viennois était au mains d'un comte Humbert qui ne peut être que le fils du prince Charles-Constantin qui intervient comme seigneur du territoire où est fondé un prieuré (p 226).

Deux ans plus tard, apparaissent ses deux fils, les comtes Amédée et Humbert dans un diplôme de confirmation du roi Conrad à l'abbaye de Saint-Chaffre.

 

Pour corroborrer sa conclusion, l'auteur nous explique que plusieurs terres dans le Dauphiné appartenant à Charles-Constantin, telles que Saint Génix par exemple ou le mandement de Saint-Symphorien d'Azon, ont échu aux Humbertiens.

 

Comme s'interroge Maurice Chaume, on peut alors se demander pourquoi cet Hubert n'aurait pas récupéré, à la mort de son père, le comté de Vienne.

 

Gingins reprend ensuite la généalogie développée par Carutti, dédoublant ainsi la famille en deux branches, hypothèse complétement abandonnée aujourd'hui.

 

On peut aussi reprocher à l'auteur de ne pas avoir tenu compte de tous les prénoms qui reviennent systématiquement dans la famille des premiers princes de Savoie hormis Humbert (et Amédée). Il a donc forcément simplifié le problème. La disparition de la puissance bosonide de la région ayant débuté avant même le décès de Charles-Constantin, cette théorie n'est pas en adéquation avec l'histoire politique de la région.

 

L'arbre proposé par Manteyer :

Dans plusieurs essais passablement compliqués, Manteyer n'a de cesse de rechercher les preuves que les Humbertiens descendent des Hugonides.

Il montre, avec un certain succès auprès de ses confrères, qu'Humbert aux Blanches-Mains est le neveu de l'archevêque de Vienne Thibaud, successeur de Sobon.

 

Il s'oppose, en cela, à la proposition formulée par Gingins La Sarra.

 

Ses principaux arguments sont les suivants :

  • L'archevêque Thibaud et son frère Humbert ont des racines viennoises par l'intermédiaire de leur grand mère paternelle Thiberge, soeur du comte en Viennois, Hugues, roi de Lombardie ;
  • Guille/Willa, grand-mère paternelle supposée d'Humbert aux Blanches-Mains, est parente des Rodolphiens, roi de Bourgogne ;
  • Les ancêtres d'Humbert possèdent des biens dans le sud du comté de Vienne à Octavion (don du roi Hugues, frère de Garnier de Sens), dans le Sermorens, berceau de la famille, autour de la localité de Tolvon ;
  • Enfin, l'indice onomastique est là encore privilégié. L'auteur montre que l'archevêque Thibaud possède un frère Humbert, père présumé du premier comte de Savoie.

 

Le prénom d'Amédée est introduit par l'intermédiaire de la mère d'Humbert fille d'Amédée fils d'Anchier d'Ivrée.

 

Pour le prénom Aimon, l'auteur suggère qu'il provienne de la contesse Ermengarde, belle-soeur d'Humbert aux Blanches-Mains, mais il se trompe très certainement car un fils d'Humbert porte également le prénom d'Aimon et le choix des prénoms se fait uniquement dans le stock familial.

 

L'arbre proposé par Reymond :

Reymond ne semble pas convaincu par les thèses de Gingins et de Manteyer même s'il juge la première plus convainquante.

 

Un diplôme du 19 10 993 (CLU n° 1957) de Rodolphe III est signé d'un mystérieux Burchard que Reymond baptise comte de Bugey - Savoie. Toujours d'après cet auteur, un acte de donation de Burchard archevêque de Lyon à l'abbaye de Tournus (Chiffet [22]) qu'il date de 951 est signé par le donateur et Burchard son neveu. Ce dernier ne se serait pas l'archevêque Burchard II mais le fils d'une soeur du roi Conrad.

 

L'auteur recherche le père de ce Burchard signataire des deux chartes évoquées ci dessus et propose qu'il soit le fils d'Eudes de Vermandois fils d'Heribert mort en 943 dont on sait qu'il a été comte d'Amiens;

 

Cette théorie, c'est le moins qu'on puisse dire, ne s'appuie pas sur des preuves intangibles et semble audacieuse dans sa conclusion. Elle privilegie artificiellement les prénoms Eudes et Burchard.

 

L'arbre proposé par C.W. Prévité-Orton :

L'auteur met en exergue les points forts et faibles des divers systèmes proposés : Carutti, Gingins, Manteyer (p 100 à 123). Après cet exercice pointilleux, Prévité-Orton suggère une nouvelle voie qui est une synthèse de son étude, qu'il qualifie lui-même de spéculative.

 

A bien y réfléchir, Prévité-Orthon reprend l'arbre de Gingins augmenté de l'étude de Manteyer en ce qui concerne l'épouse de Charles-Constantin, et suppose que le grand-père maternel d'Humbert aux Blanches-Mains soit Humbert, fils de Charles-Constantin. Le père du premier Humbertien serait le comte Amédée, présent à Saint-Chaffre en 977, personnage qui semble incontournable aujourd-hui car ce prénom est fort rare à l'époque et sa redondance est presque signe certain de parenté surtout que c'est le fils ainé d'Humbert qui est nommé ainsi.

 

L'arbre proposé par M Chaume :

C'est le système le plus sophistiqué. Il se superpose à celui de G de Manteyer.

 

Maurice Chaume, dans sa construction onomastique, a été attentif aux cinq prénoms les plus utilisés chez les Humbertiens : Eudes, Humbert, Amédée, Aimon et Burchard.

 

M. Chaume a proposé, le premier, de rapprocher Auxiliende, femme d'Humbert, de la famille de Solignac dans laquelle on rencontre ce prénom par ailleurs fort rare.

 

Enfin, l'abbé Chaume introduit une génération supplémentaire entre Humbert, premier comte de Savoie et Humbert, neveu de Saint Thibaud. L'idée est acceptable d'un point de vue chronologique et fournit quelques solutions supplémentaires pour insérer les prénoms manquants.

  • Ainsi Aldiud, mère d'Humbert I introduit Aimon ;
  • Le père d'Humbert introduit le prénom Amédée mais très artificiellement surtout que l'auteur ne nous donne pas les raisons de l'apparition de cet anthroponyme ;
  • Enfin, M. Chaume rattache (par l'intermédiare des grands-parents paternels Humbert) le prénom d'Eudes à la famille des Rostaing installée en Vivarais en conjecturant qu'Eudes (marié successivement à Engelberge et à Walda) est fils de Rostaing et Waldamode, elle même fille d'Eudes, comte de Troyes et de Waldamode. Cette opération généalogique parait particulièrement fragile.

Si le système est astucieux, les preuves de la construction sont parfois très faibles voire inexistantes et nous pouvons difficilement nous appuyer dessus pour monter une généalogie fiable des premiers comtes de Savoie.

 

Deux nouvelles thèses :

L'intuition des médiévistes du début du XXe siècle jouent un rôle important dans la recherche des ancêtres des comtes de Savoie et ils ont parfois un peu de mal à nous convaincre (l'introduction d'Amédée par Manteyer et par Chaume, celle d'Eudes par Reymond et Chaume, celle d'Aimon par Manteyer...). Sans radicalement tourner le dos aux anciennes théories, nous nous proposons de visiter de nouvelles voies ouvertes par de nouveaux médiévistes.

 

Deux chercheurs, L Ripart et F Demotz, ont abordé la problématique des ancêtres des Humbertiens sur de nouvelles bases. Si les plus anciens ont cherché à rattacher les Humbertiens aux grands de la Viennoise, cette idée semble aujourd'hui - au moins en partie - dépassée et nous devons admettre que les Humbertiens possèdent quelques-unes de leurs racines dans le Genevois. 

 

Les hypothèses de Laurent Ripart :

Remerçions tout d'abord Laurent Ripart qui nous a permis de consulter sa thèse consacrée aux Humbertiens. Nous avons pu en tirer quelques idées neuves.

 

Laurent Ripart assure que les chartes les plus anciennes concernant les Humbertiens démontrent leurs attaches avec le Genevois (l'Albanais plus exactement) puis que les premiers Humbertiens sont des nobles de la plus haute aristocratie qui utilisent des noms rappelant les Bosonides (Humbert) et les Rodolphiens (Bouchard). Les nomina de Burchard, d’Amédée et, dans une moindre mesure, d’Aymon, fournissent sur ce point un témoignage sans équivoque : dans une société où le nomen se transmettait comme un hereditarium, l’utilisation massive de nomsaussi rares et caractéristiques ne saurait s’expliquer si les Humbertiens n’étaient pas issus de la grande aristocratie rodolphienne (Ripart).

 

Les principales propositions de l'auteur :

  • les Humbertiens utilisent les mêmes références anthroponymiques que les grandes familles de la Transjurane. Par exemple, le nom de Burchard porté par le frère d'Humbert laisse à penser qu'il était prévu pour la cléricature.
  • La reine Ermengarde est probablement la soeur d'Humbert, ce qui permet une relation d'oncle à neveu (Avunculus) entre Burckard II et III, tous deux archevêques de Lyon.
  • Ancilie n'est pas une Anselmide comme l'affirme Menteyer mais les deux familles pourraient être issues d'une même souche. Lorsqu’au cours de la décennie 1020, le lignage des Anselmides s’éteint brutalement sans laisser de descendance directe, le comte Humbert recueille la succession de cette famille.
  • Il existe certainement une parenté entre l'Amédée qui signe la charte de Saint Chaffre et les Humbertiens. Le nom d'Amédée est probablement genevois (un Amédée souscrit à la notice d'un plaid royal en 926 tenu dans le diocèse de Genève).
  • L'auteur souligne l'importance du prénom Humbert pour les Guigonides. Il a pu être introduit chez les Humbertiens par une alliance avec cette famille.

 

 

 

Les théories de François Demotz :

François Demotz souligne notre ignorance totale à propos des femmes de la famille d'Humbert et, entre autres, des soeurs qu'il aurait pu avoir sans que les sources documentaires ne nous les signalent. Ainsi :

  • Une soeur d'Humbert serait mariée à Ulrich, comte de Lenzbourg, ce qui expliquerait que cet Ulrich soit l'oncle d'Aymon de Sion, fils d'Humbert ;
  • Une autre soeur d'Humbert a pu épouser un frère de la reine Ermengarde, femme de Rodolphe III. Ainsi peut se justifier la proche parenté (d'alliance) entre Ermengarde et Humbert. Pour F Demotz, Ermengarde est une Sigiboldide (Sigibold est un proche du roi Rodolphe III).
  • Enfin, reprenant une hypothèse mille fois avancée, l'auteur soutient qu'Auxiliende/Ancilie est fille d'Anselme et d'Aluid, demi-soeur de l'archevêque Burchard II.

 

A la réflexion...

Il n'est pas question de tirer des conclusions à la place des historiens mais plutôt de faire part de notre sentiment au terme de cette étude un peu fastidieuse.

  • La puissance des Humbertiens ne date pas de l'an mil mais elle est plus ancienne. Un des frères d'Humbert est déjà évêque en 995, l'autre est le mari d'une comtesse et lui même tient une place très importante auprès de Rodolphe III.
    • Le prénom "Burchard" pourrait laisser supposer un lien plus ou moins direct avec les Rodolphiens ou les ducs de Souabe ;
    • Celui de "Aimon" suggère une parenté avec les Aimonides (Aimon, évêque de Genève ; Aimon, évêque de Valence ; Aimon, brigand des Alpes)...
  • Il n'est pas exclu que le père d'Humbert aux Blanches-Mains se nomme Amédée comme son fils ainé d'après les lois onnomastiques en vigueur à l'époque (l'Amédée qui signe la charte de Saint-Chaffre ?) ;
  • Maurice Chaume rapproche Auxiliende de la famille de Solignac. D'après Christian Settipani, l'épouse d'Humbert serait la nièce d'Odilon de Mercoeur. Mais les premiers maillons des Solignac ne sont pas connus, alors pourquoi ne pas supposer que la mère d'Auxiliende soit une Solignac mariée éventuellement à un noble bourguignon de l'entourage du roi Conrad.

Aucun des trois prénoms de la première génération n'est clairement justifié (Si celui de Burckard nous mène sur la piste des Rodolphiens, celui d'Eudes est presque toujours oublié. Et que dire de celui d'Humbert ?). Les études anciennes avaient pour but de rapprocher les Humbertiens des grands de la Viennoise, liens refoulés par les médiévistes modernes pour des raisons historiques. Reste que l'anthroponyme Humbert est très rare dans cette région et qu'il n'est porté aux générations précédents Humbert aux blanches mains que dans trois familles : les Bosonides, les Hugonides et les Guigonides...

 

Bibliographie :

[1] Histoire généalogique de la royale maison de Savoie 1660 Samuel Guichenon

[2] Du royaume aux principautés 2002 L Ripart dans Le royaume de Bourgogne autour de l'an mil

[3] Aux origines des humbertiens : Les Rodolphiens et le royaume de Bourgogne B Demotz

[4] Géographie du pouvoir en pays de savoie au tournant de l'an mil 2002 C Ducourthial dans  Le royaume de Bourgogne autour de l'an mil

[5] Mémoire sur Humbert aux Blanches-Mains 1828 X de Vignet dans Mémoires de la société royale académique de Savoie

[6] Humbert I aux Blanches-Mains Carutti dans Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie 1886 ;

[7] Mémoire sur l'origine de la maison de Savoie 1865  F de Gingins La Sarra dans Histoire de la Cité et du canton des Equestres Mémoires et documents publiés par la société d'histoire de la suisse Romande tome XX;

[8] Les origines de la maison de Savoie en Bourgogne (910 - 1060) 1899 G de Manteyer dans mélanges d'archéologie et d'histoire T19 ; La paix en Viennois 1904 dans le Bulletin de la Société de Statistique, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l'Isère ; Origines de la maison de Savoie Le Moyen-Âge XIV p 257 et 437 ; Manassès comte en Chaumois et Garnier comte en Troiessin 1925

[9] The Early history of de House of Savoie 1912 C. W Prévité-Orton

[10] Les origines de la maison de Savoie 1919 Maxime Reymond  ;

[11] Recherches d'histoire chrétienne et médiévale 1947 Maurice Chaume

[12] Les fondements idéologiques du pouvoir des premiers comtes de Savoie (De la fin du Xe au début du XIIIe siècle) Laurent Ripart

[13] La Bourgogne, dernier des royaumes carolingiens (855 - 1056) 2008 François Demotz

[14] Cartulaire de l'Abbaye de Saint André le Bas de Vienne 1869 U Chevalier

[15] La noblesse du Midi carolingien 2004 C Settipani

[16] Document inédits du IX, X et XIe relatifs à l'histoire de Lyon 1869 Chevalier

[17] Cartulaires de l'église cathédrale de Grenoble dits Cartulaires de Saint-Hugues 1869 Jules Marion

[18] Regeste Dauphinois désormais RD Ulysse Chevalier

[19] Recueil des chartes de Cluny désormais CLU (1876 - 1903) A Bernard

[20] Cartulaire de l'Abbaye de Savigny suivi du Petit cartulaire de l'Abbaye d'Ainay 1853 A Bernard

[21] Cartulaire de l'abbaye de Saint-Chaffre du Monastier 1892 U Chevalier

[22] Histoire de l'abbaye royale et de la ville de Tournus 1684 Chiffet

 

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