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En 721, Bertrade l'ancienne, l'arrière-grand-mère de Charlemagne, fonde l'abbaye de Prüm, dans la région d'Eiffel, au sud de Cologne. Elle est la mère de Charibert, comte de Laon, père de Berte la jeune surnommée "Berte aux grands pieds", mère de l'illustre empereur. Bertrade est peut-être aussi à l’origine des Guilhermides ou, si ce n’est pas le cas, une très proche parente des ancêtres de cette famille. Généalogiquement, son cas est intéressant car elle apparait comme un trait d’union entre Mérovingiens et Carolingiens et si de nombreux liens entre les deux dynasties ont été supposés, peu ont résisté à l’analyse.

 

Jusqu'à présent, la plus aboutie des reconstructions généalogiques autour de Bertrade était l'oeuvre de Christian Settipani [1] et [2] mais François Doumerc [3], qui a soutenu sa thèse en 2010, suggère un autre agencement familial pour la fondatrice de Prüm. Malheureusement, les études des deux médiévistes parviennent à des résultats totalement différents. Les hypothèses sont si fragiles que cette divergence ne doit pas nous surprendre. Toutefois, lorsque les travaux de deux chercheurs sont antinomyques, le généalogiste amateur est embarrassé car il ne sait plus auquel il doit faire confiance. Nous mesurons, si besoin était, la fragilité de ces reconstructions et avec quelle prudence nous devons reculer dans le temps !

 

Reprenons les points communs aux deux thèses et cherchons leurs différences afin de nous faire l'idée la plus précise possible de la situation familiale de Bertrade de Prüm.

 

Que sait-on de Bertrade de Prüm ?

Bertrade est la bisaïeule de Charlemagne, ce qui la fait naître aux alentours de 670/680 et elle est probablement décédée peu après 721. Elle a mis au monde plusieurs enfants dont un fils Caribert/Charibert, comte de Laon.

 

Bertrade apparait dans deux actes :

  • En 721, elle fonde le monastère de Prüm pour le repos de ses fils décédés, en présence de Caribert, et de trois autres parents, Bernier, Rolande et Thierry qui confirment ses donations à la nouvelle abbaye.
  • La même année, Bertrade cède des terres à l'abbaye d'Echternach fondée en 697 par Irmina d’Oeren.

 

L'époux de Bertrade, ses parents et ses enfants, hormis Caribert, ne sont pas connus mais on peut supposer qu’une partie de sa famille est présente autour d’elle en 721. Les historiens sont unanimes sur ce point. Elle est donc une proche parente des trois viri magnifici de la charte de Prüm, Bernier, Chrodlande/Rolande, et Thierry. Un lien de parenté avec Irmina d’Oeren est aussi à considerer.

 

Notons que Pépin le Bref et sa femme Berte « aux grands pieds », père et mère de Charlemagne, possédaient en commun deux propriétés à Rommersheim et à Rumbach, dont chacun tenait sa moitié de son père respectif. On sait par l'acte de fondation de Prüm que Charibert obtient le domaine de Rommersheim de sa mère. Cela pourrait indiquer une parenté entre Bertrade de Prüm et les Pépinides.

 

Enfin, les prénoms de la charte de 721, Bertrade, Thierry, Rolande et Charibert/Héribert se retrouvent chez les proches de Guilhem de Gellone. Son père est un Thierry, une de ses soeurs se nomme Rolande, une de ses filles porte le prénom de Berte et un de ses fils s'appelle Héribert...

 

Les thèses anciennes :

Depuis près d'un siècle, les médiévistes français et allemands sont intrigués par la position généalogique mal définie de Bertrade. Des travaux sur ce thème ont été réalisés. Ils ne sont malheureusement pas tous accessibles...

 

Thèse de Maurice Chaume

Pour Maurice Chaume [4], Bertrade est bien une princesse mérovingienne. Elle pourrait être une sœur de Chlotaire IV et une descendante de Dagobert II. Rolande est sa fille et l’épouse de Bernier. Thierry, le troisième viri magnifici est leur fils et l’aïeul de Guillaume de Gellone.

 

 

Guillaume de Gellone est rattaché à cette famille par l'intermédiaire d'un Jousseaume/Gauzhelm, que M Chaume attribue comme fils de Bernier et Rolande car, dans le manuel Duoda, ce nom se situe entre celui de Thierry et ceux de Garnier et Rolande. L'auteur considère Thierry comme père de Saint Guillaume et confond le Garnier du manuel de Duoda avec le Bernier de la charte de Prüm.

 

En 1948, l'auteur [5] modifie légèrement son arbre généalogique en faisant de Bertrade et Rolande deux filles de Thierry III et de Chlotilde Dode, soeurs présumées de Pépin II.

 

Thèse Léon Levillain :

En 1938, Léon Levillain [6] adopte l'hypothèse de 1929. Il confond simplement Thierry frère de Jousseaume et Thierry, comte d'Autun mais, en 1944, il revient sur Bertrade dans son étude de la charte de Chlothilde [7] et juge que Bernier, Rolande et Thierry, sont les neveux de Bertrade. La parenté entre Irmina, abbesse d’Oeren, et Berthe passerait par un frère de cette dernière, nommé Charibert comme le résume le tableau si dessous.

 

 

En résumé, L Levillain:

  • tient compte des deux chartes souscrites par Bertrade ;
  • suppose que Guillaume de Gellone n’appartient pas à la descendance de Bertrade mais serait le petit-fils d’un de ses trois neveux supposés présents à la fondation de Prüm ;
  • ne relie pas Bertrade aux rois mérovingiens.

 

Thèse E Hlawitschka :

En 1965, E Hlawitschka [8] imagine que Rolande est la sœur de Bertrade et de Plectrude (marâtre de Charles Martel) toutes trois filles du sénéchal Hugobert et probablement d'Irmina d'Oeren (c'est finalement une variante de la proposition précédente). Les propriétés de Rommersheim et de Rumbach ont été partagées entre Bertrade et Plectrude. La part de Plectrude est passée à ses fils, puis a été usurpée par son beau-fils Charles Martel, qui l'a transmis à son fils Pépin le Bref.

 

E Hlawitschka ne semble pas donner à Bertrade une ascendance méroviengienne.

 

Les avancées modernes :

Les auteurs précédemment cités ont préparé le terrain pour des thèses plus modernes et plus sophistiquées. Le dossier est repris en 1975 [9] et en 1993 par C Settipani qui semble faire autorité en la matière puis, dernièrement, par F Doumerc qui bouleverse quelque peu le montage généalogique dressé par son prédécesseur.

 

Thèse C Settipani

En 1993, Christian Settipani reprend et complète les concepts développés par Maurice Chaume et E Hlawitschka :

  • C'est l'époux anonyme de Bertrade qui est apparenté aux Hugobertides ;
  • En tant que fille de Thierry III, Bertrade est mérovingienne ;
  • Les propriétés de Rommersheim et de Rumbach ont été partagées entre Pépin d'Herstal (qui transmet ses parts à Charles Martel) et Dode (qui transmet les siennes à Bertrade) ;
  • Le Gauzhelm de M Chaume (mauvaise interprétation du manuel de Duoda) est remplacé par le Thierry de E Hlawitschka ;
  • Les Guilhermides sont les descendants directs de Bertrade (ce point est en accord avec C Bouchard [10]).

 

Dans un addenda daté de 2000, l’auteur modifie légèrement son tableau en étoffant la généalogie du mari de Bertrade, fils d’Hervé/Chariveus, comte de Laon. Cet Hervé serait l’époux Irmina, fille du sénéchal Hugobert. Hervé/Chariveus, beau-père de Bertrade, serait encore père d’une Rolande (mariée à Guy de Fontenelle), frère de Roger, duc du Maine et souche des Rogornides.

 

 

Le point de vue de C Settipani est interessant car :

  • Il justifie facilement les propriétés reçues pour moitié par les parents de Charlemagne par la possession d'ancêtres communs : Angésisel de Metz et Begga (il insiste d'ailleurs sur ce point) ;
  • Il atteste d'une descendance royale de Bertrade (les chansons de geste du moyen âge vante sa généalogie et s'entendent à en faire une descendante mérovingienne). De plus, Thegan raconte que Bernard de Septimanie, fils de Guillaume de Gellone, est de "stirpe regali" ;
  • Il existe une cohérence au niveau du prénom Rolande qu'on retrouve à chaque génération (ce prénom est constitué de deux éléments, CHROD et LAND, qui sont largement employés dans la famille des Lambertides/Widonides à laquelle appartient Hervé de Laon selon ce schéma) ;
  • Les prénoms utilisés correspondent plutôt à la famille paternelle que maternelle.

Les points les plus faibles :

  • Dans la famille de Gellone, on ne perçoit aucun Roger, ni aucun Hervé ;
  • Aucun indice dans les anciennes chroniques ou les chartes permet de corroborer le rattachement de Bertrade à Thierry III et à Dode/Chlotilde toutefois l'anthroponyme Thierry semble particulièrement important dans cette famille et se propoge amplement chez les Guilhermides et leurs colatéraux.
  • Les évolutions que C Settipani formulent de loin en loin nous indiquent que sa reflexion n'est pas encore arrivée à son terme (par exemple, alors qu'Hugobert le Sénéchal était le mari d'Irmina, il devient son beau-frère...).

 

Thèse F Doumerc

Pour François Doumerc, les trois viri magnifici qui signent la charte de 721 sont tous simplement les frères et sœurs de Bertrade auxquels il ajoute Roger, duc du Maine, contemporain de la dame de Prüm. C'est probablement la plus grande différence entre cette étude et les autres car, de ce fait, les pistes de recherche de l'époux de Bertrade explorées par C Settipani deviennent celles des parents de Bertrade. On pourrait toutefois s'interroger sur la position de la signature de Rolande coincée entre celle de ses deux frères supposés (la logique de l'époque relègue les femmes après les hommes) et sur les raisons de cette confirmation des frères et soeur de Bertrade sur la donation de biens personnels alors qu'elle possède encore un fils. Par contre, pour F Doumerc comme pour C Settipani, la parenté entre Irmina d'Oeren et Bertrade passe par l'époux de cette dernière et l'auteur se dispense de tout développement de cette famille (sans doute hors de propos dans sa thèse).

 

 

Quels sont les points forts de ce tableau :

  • Certains rapprochements avec le schéma précédent sont à effectuer : par exemple les trois générations successives que représentent Hervé, Bertrade et Charibert ; de même, la proche parenté de Bertrade et de Roger, duc du Maine ainsi que la présence des Lambertides dans l'ascendance des enfants de Bertrade ;
  • La recherche de l'origine mérovingienne de Bertrade que l'auteur retrouve dans Chlotilde, sa grand-mère présumée dans ce tableau ; Un Garibert/Caribert ainsi qu'un Roland sont témoins de la charte de fondation de l'abbaye de Bruyère par cette Chlotilde ;
  • Prüm a des liens étroits avec les Faronides. Pépin le Bref refonde l'abbaye avec des moines provenant de Saint Faron de Meaux. Pour F Doumerc, l'élément constitutif des prénoms GAUD ou GAUZ est faronide et est la preuve de la parenté entre ceux ci et les Rogornides qui l'emploient aussi (Gauzbert). Hervé est le petit fils du Faronide Chagnulf, comte de Meaux, assassiné en 641 ;
  • La recherche de l'origine de l'élément HELM usité dans les prénoms de la famille de Guillaume de Gellone (Guilhelm, Adalhelm, Gauzhelm...). On admettra toutefois que cet élément là ne parait pas dans les prénoms des proches de Bertrade. Il pourrait être apporté par une génération intermédiaire entre Bertrade et Guillaume/Guilhelm de Gellone.

Quels sont les points qui ont du mal à nous convaincre :

  • Les preuves des liens familiaux créés par F Doumerc sont ténues (par exemple lorsqu'il suppose que Roger, abbé de Bruyère, est le frère de Chlothilde...) ;
  • La thèse de F Doumerc est relativement originale par rapport à celles présentées par ses prédécesseurs sur les travaux desquels il ne s'appuie pas, par exemple : il est bizarre que Bertrade hérite des propriétés de ses parents si elle possède encore des frères vivants.
  • Dans la famille de Gellone, aucun Roger ni aucun Hervé  ne viennent corroborer les hypothèses de l'auteur. De même, on ne décèle pas de Thierry chez les Rogornides ;
  • Il n'y a pas non plus de Thierry dans l'ascendance de Bertrade. Or cet anthroponyme est largement utilisé par la suite, devenant même un marqueur familial ;
  • Si la liaison avec les mérovingiens n'est pas omise, la preuve n'en est pas apportée, pas plus que dans le schéma proposé par C Settipani ;
  • L'ascendance du mari de Bertrade n'est pas prise en compte. Or, nous savons que c'est surtout dans le stock onnomastique paternel que sont puisés les prénoms des enfants ;
  • La liaison avec les comtes de Meaux, descendants des Faronides ne semble pas être une évidence.
  • L'histoire des propriétés à Rommersheim et à Rumbach n'est pas élucidée.

 

En conclusion :

Les deux systèmes proposés divergent trop pour pouvoir être rassemblés alors que les hypothèses de départ auraient du les rapprocher. La possible ascendance faronide de Bertrade (ou de son époux), pas prise en compte par C Settipani, est peut-être une nouvelle avancée dans la quête de la vérité. Il faut cependant attendre la confirmation de la communauté des historiens pour en savoir un peu plus.

 

Bibliographie :

[1] La préhistoire es Capétiens 1993 Christian Settipani

[2] Les ancêtres de Charlemagne  Addenda aux addenda 31 janvier 2000 Christian Settipani

[3] Essai de construction d’un espace princier : l’exemple des Rorgonides dans le monde franc puis dans le royaume de France et ses marges (vers 600 – vers 1060) Vol 1 et Vol 2 2010 François Doumerc

[4] Les origines du duché de Bourgogne 1929 Maurice Chaume

[5] La famille de Saint Guillaume de Gellone dans Annales de Bourgogne 1948

[6] Les Nibelungen historique Léon Levillaindans Anales du midi 1938

[7] Études mérovingiennes : la charte de Clotilde (10 mars 673) 1944 dans Bibliothèque de l'école des chartes tome 105 Léon Levillain

[8] Die Vorfahren Karls des Grossen E Hlawitschka 1965 dans Karl der Grosse t1

[9] Les ancêtres de Charlemagne 1975 Christian Settipani

[10] Family structure and family consciousness among the aristocracy in the ninth to eleventh centuries Prosopographica VII Constance B. Bouchard dans Francia 1986
 

LU

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