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D’après Jacques Boussard [1], les seigneurs de Bellême tiraient leur puissance de leur situation de portiers de la Normandie, contrôlant toutes les voies d’accès du Mans à Rouen et à Caen. Cette châtellenie est un bel exemple de ces petites principautés qui se sont formées aux confins de grands fiefs lors de la dislocation de l’empire carolingien (Boussard [2]). D’abord indépendante et seulement soumise à la suzeraineté du roi de France, elle a longuement guerroyée contre ses puissants voisins qui lorgnaient dans sa direction puis a été progressivement absorbée par le duché de Normandie au début du douzième siècle.
La première seigneurie de Bellême apparait dès la fin de Xe siècle. Ses origines sont obscures surtout que les données du moine normand Orderic Vital [3], principal informateur pour cette période, divergent notablement des sources documentaires et corrompt le débat.
Quoi qu'il en soit, dès le début du XIe siècle, les Bellême ont reçu ou usurpé une série de domaines ecclésiastiques et publics (les évêques du Mans Avesgaud et Siefred n’y sont certainement pas pour rien), et en particulier la forêt de Perseigne, alors contrôlé par les comtes du Maine.
Les Bellême ont réabilité Saint-Vincent du Mans, église abbatiale fondée en 512 par l'évêque Domole. C'est peut-être dans un esprit de concurrence avec les comtes du Maine (Hugues III et Herbert Eveille-Chien), protecteurs de l'abbaye de la Couture, qu'Avesgaud de Bellême s'est montré magnanime envers Saint-Vincent (Lemesle [4]).
Autre caractéristique notable, les Bellême ont été accusés de cruauté par Orderic Vital et cette spécificité les a poursuivis jusqu’à notre époque, même si quelques-uns de leurs défenseurs ont jugé les propos du chroniqueur normand largement excessifs. Lucien Musset [5] prévient : « il serait injuste de ne juger cette famille qu'en s'appuyant sur les propos très partiaux d'Orderic Vital et de ne voir en ses représentants que des chefs de guerre, des constructeurs de châteaux-forts et des hommes cruels ». Cet historien souligne en particulier le rôle des Bellême dans la mise au point de modalités administratives et judiciaires d'une réelle efficacité. Le vicomte de Motey [6], défenseur acharné de cette dynastie, s’est évertué à blanchir leurs mémoires niant les crimes et les violences qui ponctuent les dernières générations de cette maison.
Bry de Clergerie [7] est le premier à s'être penché sérieusement sur cette seigneurie (1620). Beaucoup plus tard, en 1909, J Depoin [8] a fait paraître un article à propos de cette famille, extrapolant sur ses origines. En 1926, H Prentout [9] puis, en 1929, P Cordonnier-Détrie [10] qui a publié une étude reprenant trait pour trait de celle de Motey, ont à leur tour apporté leur pierre à l'édifice. Enfin, n'oublions pas que les anglais ont aussi effectué des recherches sur ce lignage (non consultées).
Plusieurs auteurs contemporains ont essayé de sortir cette famille des brumes qui l’entourent pour mettre en évidence son rôle dans l’histoire. Citons, en tout premier lieu, G Louise [11], le spécialiste moderne des Bellême s’il y en a, mais aussi J Boussard [12] et O Guillot [13]. Enfin, n'oublions pas K Keats-Rohan [14] qui, elle aussi, a tenté de percer le secret de cette maison.
Les origines :
Les origines des Bellême sont à rechercher dans la première moitié du Xe siècle. Cette seigneurie s'est installée lors de l'éffondrement du premier comté de Mortagne et la réorganisation des pouvoirs qui s'en est suivie (Louise II p 136).
Yves de Bellême, mari de Godehilde, est la souche de ce lignage. Deux pistes se dégagent pour la recherche des ancêtres de ce couple et les historiens ne sont jamais arrivés à trancher : certains suivent aveuglément O Vital et font d'Yves un rejeton de la nébuleuse de Creil et les autres suggèrent une origine locale (en cherchant à les relier aux anciens comtes de Corbon ou de Mortagne).
Les premiers maillons de cette famille sont décrits dans le tableau qui suit :
Les Bellême étaient parents avec la famille Le Riche. Yves l'ancien, fondateur de la lignée, était le beau-frère d'Albert le Riche dont le frère Annon a été succéssivement abbé de Jumièges puis de Micy. En effet, vers 1030, le fils d'Albert et d'Hildeburge détient, par héritage maternel, un alleu dans le pagus de Bellême dont il dispose pour une fondation religieuse (Fauroux n° 51 [15]). Nous en déduisons qu'Yves appartient à la haute aristocratie et n'est certainement pas le fils d'un simple arbaletier.
Pour retrouver les ancêtres des Bellême, nous devons rechercher les traces de deux personnages qui surgissent en marge de cette famille : Siefred, évêque de Mans entre 965 et 1005, frère ou beau-frère du premièr seigneur de Bellême, pièce maîtresse dans la fondation de cette dynastie et Yves de Creil si, toutefois, il a existé.
La légende :
Commençons par les chroniques du célèbre Orderic Vital, moine normand qui écrit plus d'un siècle après les évènements qu'il relate. Yves, père de Guillaume de Bellême … cum Ivone, patre Willelmi de Bellismo… aurait participé à la délivrance de Richard, fils de Guillaume longue-épée et de sa concubine Sprota, prisonnier de Louis IV d’outremer (L IV chap 4). L’auteur confirme le fait dans son Historia ecclesiastica en ajoutant une petite précision …hoc itaque ut Osmundus, pueri pedagogus, per Ivonen…regis balistarium agnovit… (III p 88-89). Yves est arbalétrier du roi.
Dudon de Saint-Quentin [16] rapporte l'histoire sans citer Yves de Creil et la mise en exergue du personnage d'Ivone, patre Willelmi de Bellismo par O Vital est marquée par une incohérence chronologique. En effet, Yves de Bellème l'ancien n'est attesté qu'à la fin du Xe siècle et son fils n'a qu'une trentaine d'années à son décès (ente 1006 et 1012) alors que les exploits d'Yves de Creil sont généralement datés de 944.
D'après Boussard, il ne s'agit que d'une légende (Mélange Louis Halphen 1954) destinée à prouver que Bellême appartenait depuis longtemps aux ducs normands et s'interroge sur la possibilité d'une parenté entre cette famille et les comtes du Perche. Toutefois, quelques années plus tard, le même auteur, tergiversant, semble plutôt enclin à supposer que l'origine de cette famille est à rechercher dans le Vexin et qu'Yves de Creil n'est probablement qu'un rejeton de la famille de Senlis (CCM 1968).
Lucien Musset a, lui-aussi, pensé à une origine franque pour cette famille en suggérant qu’Yves soit un seigneur établi sur les rives de l’Oise au début du Xe siècle et Olivier Guillot surenchérit p 82 : On a souligné récemment [il cite là J Boussard] les indices qui donnent à penser que la famille de Bellême ait été originellement vassale des Robertiens et issue de la famille de Creil.
Gérard Louise, frappé par les écrits d'Orderic Vital même s'il s'en défend, prend position pour une origine locale de cette famille sans exclure totalement les données imprécises du chroniqueur normand : le déplacement de la capitale comtale de Corborn à Mortagne permet de faire remonter l'implantation de la seignerie de Bellême au milieu du Xe siècle et de faire coïncider cette date avec les pistes chronologiques suggérées par les sources écrites tardives, en particulier celles fournies par O Vital lorsqu'il évoque l'existence d'Yves de Creil (Louise II p 136).
Quelles conclusions tirer de ces alternoiements ? Faut-il penser que O Vital affabule lorsqu'il écrit sur cette famille et le rapprochement entre Yves de Creil et celui de Bellême est-il à rejeter, ou bien, doit-on admettre des confusions du chroniqueur normand et réamenager son texte afin qu'il "colle" aux sources documentaires ?
Les historiens ne parviennent pas à se déterminer face de ce dilemme même si la tendance actuelle (peut-être sous l'influence de G Louise) s'oriente vers un détachement des affirmations d'O Vital. On peut toutefois s'interroger sur les raisons qu'aurait eu le moine d'Ouche à inventer une origine fantaisiste à Yves de Bellême. N'est-il pas plus sage de penser que, s'appuyant sur une tradition orale, il a été mal renseigné et reproduit des propos déformés par le temps et donc, forcément approximatifs ?
Un dédoublement d'Yves de Creil :
Pour contourner la difficulté chronologique soulevée par les écrits O Vital, l'historien anglais White [17] a identifié Yves de Creil au père d'Yves l'ancien. Cette solution astucieuse n'est malheureusement pas étayée par la documentation à notre disposition et les historiens n'ont pas retrouvé la trace de ce personnage. Ce silence documentaire est-il rédhibitoire pour cette solution ?
G Louise remarque l'absence du prénom Yves dans la famille de Senlis (identifiée sans grandes preuves à celle de Creil) jetant ainsi un peu plus de discrédit sur les écrits d'Orderic Vital. Quelques années plus tôt, J. Boussard était moins catégorique et recherchait de possibles rapprochements entre l'axe Senlis-Creil et Bellême (CCM 1968).
La charte de fondation de l'abbayette :
Cette charte permet d'établir une partie de la famille de l'évêque Siefred. La donation par laquelle Yves, pour les âmes de Fulcoïn et de Rothaïs, ses parents, avec le consentement de ses soeurs Billehendis et Erembrurgis, celui de ses oncles, l'évêque Siefred et Guillaume, avec celui de ses cousins, Guillaume Cléricus, Robert, Suhard et Guillaume Laïcus (La charte n° 186 du CSV [18] est signée par un Guillaume Laïcus et son frère Yves qui sont peut-être des Bellême), restitue au Mont-Saint-Michel huit villae qui avaient été données à l'abbaye par ses ancêtres et qui lui avaient été enlevées pendant les invasions normandes (Cartulaire de l'Abbayette n° 1 [19]).
C'est cette charte qui permet de déduire l'ancienneté des Bellême dans cette région aux confins de la Neustrie et de la Normandie car Yves rend à l'abbaye du Mont-Saint-Michel des domaines données par sa famille avant la conquête normande. Remarquons toutefois qu'il s'agit plutôt de la famille de Siefred que de celle des Bellême qui est concernée. L'ancienneté des Siefred dans cette région est corroborée par l'évêque du Mans en place de 543 à 560 qui portait déjà ce nom (Depoin).
L'anthroponyme Guillaume revient à trois reprises dans cette charte (prénom très courant à cette époque) mais notons aussi les prénoms de Robert et d'Yves utilisés par les Bellême et de Suhard qui rappelle la tige des anciens seigneurs de Craon.
A ce stade de l'étude, nous ne savons pas si la parenté de Siefred et des Bellême passe par Yves ou par Godehilde mais G Louise estime qu'un faisceau d'indices suggère que Siefred soit le frère de Godehilde. Ce n'est ni l'avis de K Keats-Rohan ni celui de C Settipani [20].
D'après les Actus [21], Foulque d'Anjou s'est chargé d'obtenir du roi Lothaire la désignation de Siefred au siège du Mans en lui donnant le domaine de Dissay (Depoin) sauf, qu'à l'époque de la nomination de Siefred à la tête de l'évêché, le comte d'Anjou s'appelle Geoffroy. O Guillot rectifie en suggérant que Foulque le Bon obtient du roi le soutien de Siefred dans sa lutte contre le comte du Maine.
Siefred a épousé Hildegarde (ou Hildeburge) et a eu de nombreux enfants dont Aubri et Hugues. Son prédéssesseur à l'évêché du Mans, Mainard, a lui-aussi donné le prénom d'Aubri à un de ses fils.
Après ses démélés avec le comte du Maine Hugues, il se retire chez Bouchard, comte de Vendôme, dont il achète l'alliance en lui cédant plusieurs domaines de son église (R Latouche [22]).
Il est difficile d'entrevoir le rôle politique de Siefred. S'il doit sa consécration à Lothaire, un des derniers carolingiens, on s'explique mal qu'il se réfugie auprès du comte de Vendôme, agent d'Hugues Capet en Neustrie. Siefred, à l'image de ces comtemporains, est sans aucun doute un opportuniste prêt à tout pour son propre intérêt et celui de sa famille.
Par quel biais a été introduit le prénom d'Avesgaud dans cette famille :
Ce prénom est rare et peut servir de traceur familial. Keats-Rohan l'a repéré dans les familles des vicomtes de Vendôme et dans celle de Maintenon qui inclue une Godehilde au début XIIe siècle. L'auteur préconise qu'Avesgaud qui paraît dans le cartulaire de Notre-Dame de Chartres [23] vers 970 (charte signée par un Yves qui pourrait être son gendre) soit l'ancêtre commun et que cet anthroponyme se soit introduit dans la famille de Bellême par l'intermédiaire de Godehilde. Cet Avesgaud est un proche de la contesse Lieutgarde, femme de Thibaud le Tricheur et donc de la famille de Blois. Sans preuve formelle, Depoin suggèrait d'ailleurs que Godehilde soit la soeur de Lieutgarde.
Il existe sur les bords de la Vienne une seigneurie appelée l'Ile-Bouchard, dont les maitres portent de père en fils le nom de Bouchard et parfois celui d'Avesgaud, nom qui est traditionnel dans la famille de Vendôme et dans celle des Bellême (Boussard 1968). Hubert, vicomte de Vendôme, est fils d'Avesgaud (Livre des serfs de Marmoutier [24] n° 43, 44, 55) et Keats-Rohan a montré que le prénom de Godehilde est aussi présent dans la maison des vicomtes de Vendôme.
Nous devons donc en déduire que c'est Godehilde qui introduit l'anthroponyme Avesgaud dans la famille de Bellême. Il faut rechercher leurs origines dans la région de Paris et de Chartres.
La solution de Katarine Keats-Rohan :
K Keats-Rohan, ignorant O Vital et Yves de Creil, suggère une solution alternative et propose que la seigneurie de Bellême, se soit constituée à l’intérieur de celle de Mortagne et qu’Yves l'ancien soit un fils cadet de cette famille.
D’après cette spécialiste de l’histoire de la Normandie au moyen-âge, l’anthroponyme Yves aurait été introduit dans cette famille par Hildebourge. Dans le corps de l’article, l’auteur suggère, sur une idée de C. Settipani, qu’Hervé soit un frère de Gauzlin, mais dans ses tableaux, elle présente une autre solution. Pourtant, Hervé est un nom rogornide...
Cette suggestion offre indubitablement un avantage : les quatre Yves qui apparaissent dans le tableau proviennent d’une même souche. L’anthroponyme appartiendrait donc au stock onnomastique des vicomtes du Mans. K. Keats-Rohan insiste sur ce prénom qu’elle préconise dérivé de Vivien qu’on retrouve dans les chartes régionales. Plus besoin, dans ce système, de relier les deux Godehilde pour expliquer le passage du prénom Yves dans la famille des vicomtes du Maine.
Bruno Lemesle soulève une question intéressante : K Keats-Rohan appuie sa démonstration sur la charte de fondation de l'abbayette par Yves fils de Fulcoïn qui cite plusieurs de ses oncles (dont l'évêque Siefred). Or Hugues de Maine, souscripteur de l'acte est aussi oncle (ou cousin germain) du fondateur selon Keats-Rohan mais pas identifié comme tel. C'est vrai mais, afin de moduler cet avis, notons que ce n'est pas la famille paternelle du donateur et donc ni Fulcoïn, ni son frère ou son neveu supposé, Hugues du Maine, ne sont mis en avant dans cette donation. Le prénom de Billehendis (= Billichilde) portée par la soeur du donateur de l'Abbayette renforce la thèse que Fulcoïn appartient à la lignée des comtes du Maine.
A la lecture de ce tableau, on s'aperçoit que les patronymes qui se diffusent à partir de Siefred appartiennent aussi au stock onnomastique des comtes du Maine : Hugues et Herbert. Troublant !
En conclusion :
Nous nous rendons bien compte que chaque historien suggére sa propre solution mais qu'aucune n'est complètement satisfaisante. Si les différentes hypothèses énumérées ci dessus ne s'excluent pas les unes les autres, elles ne s'imbriquent pas parfaitement et trop d'incertitudes rendent difficile la construction des générations qui précèdent Yves et Godehilde.
Quelles hypothèses retenir ?
- L'appartenance de Godehilde aux lignages des Avesgaud semble relativement solide;
- Les Siefred ont une ascendance apparemment locale. Un Siefred (Est-ce le futur évêque ?) apparait en 955 à la suite d'Hugues le Grand, d'Hugues, comte du Maine, d'Hervé comte de Mortagne dans une confirmation de biens situés à une vingtaine de kilomètres de Bellême donnés aux moines de Saint-Père de Chartes (n° 73) [25]. Nous pouvons difficilement faire l'économie d'un lien entre l'évêque de ce nom et la famille vicomtale. Mainard, son prédécésseur, pourrait être le frère de sa mère [Hildebourge];
- Les deux précédentes remarques éliminent presque irrémédiablement la thèse qui fait de Godehilde une soeur de Siefred. Par conséquent, Yves l'ancien appartiendrait à la famille de l'évêque du Mans.
- Reste à déterminer si le père d'Yves est parent avec les comtes de Senlis (le fameux Yves de Creil), avec les comtes de Mortagne ou avec les deux...
Les historiens n'ont pas encore tranché et nous ne pouvons que conseiller la prudence dans ce dossier. Espérons que des études ultérieures permettent une avancée dans ce embrouillamini...
La premiers anneaux de la maison de Bellême :
Dans cette partie, nous suivons scrupuleusement l'étude précise et rigoureuse effectuée par Gérard Louise qui corrige ses prédécesseurs et que nous agrémentons de quelques données fournies par le vicomte de Motey.
Yves de Bellême x Godehilde :
Gérard Louise et Katarine Keats-Rohan avouent eux-mêmes que nous possédons bien peu d’informations sur Yves l'ancien qui est né vers 940. Yves était probablement un fidèle des derniers Robertiens, très actifs en Neustrie et vainqueurs des Normands. Ainsi s’expliquerait sa politique et l’amitié de sa famille avec les rois de la race capétienne.
Il fonde Notre-Dame de Bellême, au vieux château, pour son âme et celles de …conjugisque mee Godehildis, sive filiis meis vel genitoribus meis…, (Marmoutier-Perche [26], n°1). La charte, non datée, a probablement été rédigée vers l'an 1000.
Vers 1005, il donne à Gauzlin, abbé de Fleury sur Loire, son domaine de Magny le désert (d’après la vie de Gauzlin, moine de Fleury et fils naturel d’Hugues Capet). A sa mort, son fils Guillaume confisque le bien et ne le restitue qu'après l'intervention de Gauzlin lui-même.
Les enfants d’Yves et de son épouse sont au moins au nombre de cinq :
- Avesgaud, évêque du Mans entre 1005 et 1035 ; Il dote ses sœurs avec des biens ecclésiastiques : Avesgaudus emit a canonicis suis eccesiam de Prorigniaco et eccesiam de Loiaco, et dedit unan Hildeburgi sonori sua primo-genitae, et alteram Godehildae germania sua secundae (Actus).
Le prélat crée une infirmerie pour ses chanoines et fonde, pour le repos de l’âme de ses parents, l’hôpital des Ardents qu’il fait desservir par les frères de Saint-Antoine.
Ses démêlés avec le comte du Maine, Herbert Eveille-Chien qui sont relatés dans les Actus et par R Latouche l'ont obligé à quitter définitivement le Mans. Il est mort le 27 avril 1036 à Verdun.
- Yves qu'Alfonse Angot [27] présume tige des seigneurs de Château-Gontier mais dont l'identification a été remise en cause par Olivier Guillot (p 329 n 224) et qui ne reste qu'une hypothèse ; Entre 997 et 1036, il donne, avec son frère Avesgaud, la terre occupée par Hildebert dans la villa de Coulaines et le manse Plenaria dans la villa de Courtillé à l’abbaye Saint-Vincent (CSV n° 12).
- Godehilde que les érudits du XIXe siècle faisaient femme de Raoul III du Mans mais qui pourrait être celle d’Arnoul Giroie d’après une proposition de K Keats-Rohan ;
- Hildebourge x Haimon du Château du Loir petit-fils de Rorans d’Argentré dont elle a eu six enfants et entre autres Gervais, successeur d’Avesgaud à la tête de l’évêché du Mans ; elle est décédée le 27 octobre 1024 d'après les Annales de Reims.
- Guillaume x Mathilde qui suit ; Guillaume de Jumièges [28] raconte que Guillaume de Belesme, fils d'Yves, qui tenait le château d'Alençon à titre de bénéfice s’est rebellé contre Robert II duc de Normandie (WJ VI.4 p139-40).
Yves est décédé à l’orée du onzième siècle, entre 1006 et 1012 non sans avoir vu Avesgaud, son second fils, ceindre la mitre. Son fils Guillaume, nouveau seigneur de Bellême, est alors âgé d’une trentaine d’années (K. Keats-Rohan).
La famille de Godehilde :
A de Dion [29] rapporte que Gilduin de Breteuil (+ 1060) est connu comme oncle maternel de l’évêque Avesgaud mais croit plutôt qu’il est le neveu paternel de la mère de l’évêque. Ce dernier, en remerciement du secours que Gilduin lui aurait apporté au cours d’une des guerres menée par cet évêque, lui envoya les reliques de Saint-Constantien et reçut en échange pour l’église du Mans un rente payée jusqu’à la révolution.
Peut-on réellement utiliser cette information d'A de Dion qui ne donne aucune preuve de ce qu'il avance ? Affaire à suivre...
Guillaume I x Mathilde :
Guillaume confirme, avec sa mère Godehilde, les donations de son père en faveur de l’église de la Sainte-Mère de Dieu et de Saint-Léonard à laquelle il donne à son tour l’église de Saint-Aubin de Boècé, les deux chapelles de Saint-Sauveur et de Saint Pierre de Bellême (Marmoutier pour le Perche n°1). Avesgaud, son frère, lègue à ce même autel une vigne hors des murs du château de Bellême.
Guillame I était un familier du roi de France Robert II le Pieux qu’il accompagne vers 1003 à Arles lors de son mariage avec Constance. Quand Hugues, le fils du roi Robert, se révolte contre son père, il se refugie dans le Perche où Guillaume de Bellême le fait arrêter et le livre au roi (Motey).
Peu après 1020, Guillaume et son frère l’évêque Avesgaud mènent une lutte sans merci contre le comte du Maine Herbert Eveille-Chien. Cette guerre n’est sans doute que le reflet du désir d’expansion des Bellême vers le Maine. La première escarmouche a pour prétexte la construction dans le comté du Maine, par Avesgaud, du château de Duneau (Latouche). Herbert, à la tête d’une poignée de chevaliers, s’en empare et le déduit. Avesgaud réplique par une excommunication du comte qui se venge en dévastant les terres des Bellême.
En 1027, le comte du Maine envahit une fois encore les domaines de l’évêque qui, obligé de fuir Le Mans, entreprend alors la construction de Château de la Ferté-sur-Huisne.
Guillaume fonde, vers 1025, l'abbaye de Lonlay. Son épouse et quatre de ses fils, Robert, Foulques, Guillaume et Guérin signent l’acte. Le cartulaire de l’abbaye a disparu mais nous savons que Talvas avait donné les églises de Domfort, de la Haute-Chapelle, de Condé-sur-Noireau, de Saint-Pierre-du-Regard, de Beaumesnil et d’Echuffé (Motey).
La famille de Bellême entretenait des liens d’amitié aussi bien envers le roi de France qu’envers le duc de Normandie et profite sans doute de cette double alliance pour conforter ses positions. Guillaume semble avoir pris le parti du duc Richard II de Normandie qui lui inféode le château d’Alençon à titre de bénéfice contre son frère cadet Robert (Guillaume de Jumièges).
Richard II concède à Guillaume de Bellême le plaid de l’épée, c'est-à-dire le droit de juger toutes les causes, même les plus graves et ses descendants, devenus comte d’Alençon, conserveront ce privilège (Motey).
Guillaume I fait construire le château de Domfront sur les bords de la Varenne, sans doute avec l’accord du duc Richard. Au pied de la forteresse est édifiée une église nommée Notre-Dame-sur-l’Eau.
En 1028, Richard III meurt et son frère Robert (le Diable) le remplace à la tête du duché normand. Guillaume I refuse de lui rendre hommage pour les domaines qu’il tient des ducs. Robert assiège et prend Alençon. Guillaume est contraint de capituler.
Après avoir exigé de son vassal le cérémonial humiliant du pardon, Robert rend ses places fortes à Guillaume. Un mariage entre le fils de Guillaume et une sœur de Robert aurait même été envisagé mais le duc n’aurait pas donné suite à cette union (Recueil des historiens de France X p 323).
À Bellême, Guillaume fait construire une basilique dont la consécration intervient entre 1023 et 1026. La charte de la fondation a disparu et a été remplacée par un diplôme de Philippe I, roi de France, qui précise les détails de la cérémonie à laquelle assistent le roi de France Robert, le duc de Normandie Richard, le duc d’Anjou Foulque Nerra, Eudes II comte de Chartres et Herbert Eveille-Chien, comte du Maine. L’authenticité de ce document a été mise en doute par de nombreux historiens (Archives de l'Orne, H 2151).
Guillaume confirme la fondation par Albert Le Riche, abbé de Saint-Etienne et de Saint-Mesmin, près d’Orléans, du prieuré de Dame-Marie sur un alleu qu’il possédait dans la châtellenie de Bellême.
Les Bellême et les vicomtes du Mans partagent des droits sur Courgains, Saosnes, Vivoin, Dangeul, Doucelles, Monhoudou et Commerveil (CSV n° 490, 545…), ce qui ne laisse peu de place au doute d'une alliance antérieure..
Les enfants de Guillaume et de Mathilde, dame de Condé sur Noireau, sont :
- Foulques mort entre 1027 et 1035 ; Il est cité dans la fondation de Notre Dame de Lonlay ; son père l’envoie, avec son frère Robert, pour piller la Normandie mais il est tué dans la forêt de Blavou ;
- Robert : Guillaume de Jumièges raconte que Robert héritier du pouvoir et de la cruauté de Guillaume de Bellême a été capturé par des hommes du Mans au cours d’une expédition qu’il fit sur la rive gauche de la Sarthe, emprisonné pendant deux ans au château de Ballon, puis assassiné par le fils de Gauthier de Sordains en représailles de la mort de leur père (WJ VI.7 p.144). Après son décès, son oncle donne une propriété à Notre-Dame de Bellême …Rotberti filii Wilelmi, Ivo suus avunculus… (Marmoutier pour le Perche n° 1).
- Guérin aurait obtenu par héritage la seigneurie de Domfort ; Guillaume de Jumièges nomme les enfants de Guillaume de Bellême, fils d'Yves, dans l’ordre suivant : Guérin, Foulques, Robert et Guillaume, (WJ VI.4 p.139) et raconte que Guérin a été étranglé par le diable sous les yeux de ses compagnons. Selon Mottey, cette fable dissimule un accident mortel dans une passe d’armes suivie d’un assassinat et G Louise préfère ne pas s'y attarder. Il a laissé une fille Adeliz x Rotrou II vicomte de Chateaudun et un fils naturel nommé Raoul, vivant en 1050.
- Yves, évêque de Sées de 1048 à 1070 (hypothèse Louise). Il est le bienfaiteur du prieuré de Saint-Martin-du-vieux-Bellême, de la collégiale Saint-Léonard, des abbayes de Saint-Martin de Sées et de Saint-Vincent du Mans, le second fondateur du monastère de Sainte-Galburge de la Coudre. Il a reconstruit sa cathédrale incendiée dans le cœur de laquelle il a été inhumé en 1070.
Yves assiste, en 1055, au concile de Lisieux, convoqué par l'ordre du duc Guillaume, à la sollicitation duquel Mauger, son oncle, archevêque de Rouen, fut solennellement déposé pour sa vie scandaleuse et ses débordements on mit à la place du prélat mercenaire le vertueux et célèbre Maurille, qui consola l'église des maux que lui avait faits son indigne prédécesseur.
Il est seigneur de Bellême après le décès de son neveu Arnoul.
- Benoit, oblat de Saint-Benoit sur Loire ;
- Guillaume II qui suit.
Guillaume a aussi donné naissance à un fils naturel prénommé Siefred, qui fut, d'après Motey, seigneur d'Escures, du Bouillon, de la Chapelle-près-Sées et de Congé (Louise approuve l'idée mais remarque qu'aucune preuve ne la certifie). Siefred apparaît dans la charte de vente de l’église de Courgains par son oncle Avesgaud …episcopi Sagiensis, Ivonis nomine, et Willelmi fratris predicti Sagiensis episcopi…etiam Warino et Willelmo filiis Roberti, Olivario Willelmi filio, Radulfi filio Warini, et Seginfredo filio Willelmi de Bellisimo… (CSV n° 548).
Trois nouveaux prénoms apparaissent dans cette fratrie par rapport à la génération précédente. Foulques et Robert (rencontrés dans la charte de fondation de l'Abayette) sont sans doute le rappel d'ancêtres lointains tandis que Guérin pourraient provenir du stock onomastique maternel... (A vérifier).
Guillaume compense par des restitutions territoriales et des dons en argent, les préjudices que, par sa possession de biens ecclésiastiques, ses ascendants et lui-même ont causées à l’église de Sées.
La charte ci-contre, tirée du cartulaire du chapitre de Sées, en témoigne. Elle est signée par Henri, roi de France et Richard, duc de Normandie.
Guillaume accorde des coutumes, des droits de bourgeoisie aux citadins et des droits d’usage aux paysans et favorise les foires et les marchés dans ses domaines (Motey).
Guillaume I est sans doute mort juste après le décès de son fils Foulques à la suite d’une bataille où les Bellême sont pris en tenaille par les Normands sous la férule de Robert le Diable et des Manceaux menés par leur comte. Il est remplacé pour quelques mois par son fils Robert I de Bellême.
Robert I obtient du duc de Normandie une paix honorable qui le confirme dans ses possessions normandes. En 1031, il reprend à son compte la guerre contre Herbert Eveille-Chien et lui arrache le château de Ballon. Cette victoire est de courte durée car il est fait prisonnier par son puissant adversaire et enfermé dans la forteresse de Ballon où il est massacré deux ans plus tard. Robert a eu deux fils dont on ne sait s'il sont légitimes ou pas (Guérin et Guillaume) mais qui appartiennent à l'entourage direct de leur oncle Yves, évêque de Sées.
Guillaume II Talvas x Hildebourge :
Guillaume II Talvas venge la mort de son frère Robert en mettant en déroute les troupes du comte du Maine et en lui reprenant tous les territoires du Saosnois dont son adversaire s’était emparés (Motey).
D'après Louise, l'installation de Guillaume vers 1035-1040 à la tête de la seigneurie n'a pas lieu sans heurt. Certains auteurs préconisent même un partage de la châtellerie entre lui (il aurait alors reçu la partie occidentale de la seigneurie, les châteaux d’Alençon et de Domfort) et son frère Yves, futur évêque de Sées.
Lorsque Hamon de Mayenne meurt, autour de 1030, ses enfants, Hugues et Geoffroy, sont encore très jeunes. C’est peut-être dans ces circonstances qu’une politique d’agression a été menée au nord des terres de Geoffroy de Mayenne par les Bellême. L'ntervention des Giroie, seigneurs de Saint-Cenery, vassaux des Bellême mais peut-être aussi ceux des Mayenne date de cette époque. Leurs démélés avec les Talvas ont été largement développés par les chroniqueurs normands de l'époque et le vicomte Motey les a parfaitement romancés.
Cet érudit raconte que Geoffroy de Mayenne aurait proposé à Guillaume Giroie l’érection d’un château à Montaigu, à quelques lieux seulement d’Avençon. Guillaume Giroie ayant accepté, Guillaume Talvas marche contre Geoffroy de Mayenne qu’il capture et emprisonne à Alençon. Contre l’élargissement de son rival, il demande la destruction de Montaigu. Si l’escarmouche se termine sur le pardon de Talvas, une haine tenace s’installe entre les deux familles et sera à l’origine de la mauvaise réputation dont souffre les Bellême depuis les chroniques d’Orderic Vital.
C’est à cette époque que le duc de Normandie Guillaume s’empare du Passais, qui est sans doute une ancienne possession des Mayenne alors aux mains des Bellême.
Dans la châtellenie de Domfort, Guillaume Talvas augmente le prieuré de Saint-Symphorien et le prieuré de Notre-Dame-sur-l’eau, dépendant du monastère de Lonlay (Motey p 171 d'après Dom Piolin, histoire de l'église du Mans).
Willelmus filius Guillelmi… est présent dans une charte de 1042 dans laquelle Guillaume, duc de Normandie, donne nostras insulas Serc et Aurrene, propter medietatem Grenere à l’abbaye du Mont-Saint-Michel (Delisle 1867, Pièces justificatives, 17, p. 19).
En 1047, le roi de France Henri, allié du duc de Normandie, traverse le Bellêmois pour remporter la bataille de Val les Dunes.
Guillaume de Jumièges nomme "Hildeburge fille d'Arnoul" comme femme de Guillaume Talvas. Hildebourge lui a donné plusieurs fils :
- Robert mort dès 1035 ;
- Arnoul ; Guillaume de Jumièges présente seulement Arnoul et Mabille comme enfant de Guillaume Talvas et d’Hildeburge, racontant que ce dernier, révolté contre son père, est obligé de fuir avant d’être étranglé dans son lit ;
- Mabille x Roger de Montgomery qui suit ;
Guillaume II de Bellême fait étrangler sa première épouse, Hildeburge, par ses serviteurs en pleine rue d'Alençon alors qu'elle se rendait à la messe.
Il épouse, en deuxièmes noces, une fille du vicomte du Mans, Raoul, sans que l'on sache vraiment de quel Raoul il s'agit. De ce second mariage est probablement né :
- Olivier qui a été suspecté du meurtre d’Arnoul (O Vital doute de cet acte relaté par Guillaume de Jumièges). Chronologiquement, le meurtre d'Arnoul par Olivier est difficile à admettre. Ce denier avait à peu près 3 ans au décès de son ainé sauf s'il s'agit d'un bâtard né bien plus tôt.
Olivier est cité en tant que neveu de l’évêque de Sées dans la confirmation de la vente de l’église de Courgains (CSV n° 545). Il est probablement à identifier à Olivier de Mesle-sur-Sarthe. On lui connait au moins six enfants. Au terme de sa vie, il devient moine à Saint Martin de Sées (hypothèse Louise) avant de se retirer à Bec-Hellouin (WJ VII.12 p.183).
Au cours de son second mariage, vers 1047, Guillaume Talvas se serait rendu coupable de sévices envers Guillaume Giroie, l’aveuglant et le mutilant en divers endroits de son corps (Orderic Vital).
Il semble qu'à cette époque, une rupture familiale divise les Bellême et isole Guillaume. Son fils Arnoul se rebelle contre son père et obtient le soutient de son oncle Yves. Louise évoque le contexte de la guerre normando-angevine pour justifier cette scission mais on peut sans doute aussi évoquer des raisons humaines. Guillaume n'a-t-il pas fait étrangler la mère d'Arnoul ? Le jeune homme et son entourage ont pu être choqué par un tel acte de cruauté.
Vers 1048, à peu près à la date de sa prise de fonction à l'évêché de Sées (si on suit la thèse de G Louise), Yves est confronté à l’incendie de sa cathédrale et cet évènement pourrait être mis sur le compte de Guillaume Talvas. Trois frères Richard, Robert et Avesgaud fils de Guillaume Soreng souillent la cathédrale de Sées, en en faisant une écurie pour leurs chevaux (Motey). L’évêque ordonne de mettre le feu à une maison voisine pour déloger les gaillards, mais les flammes se propagent et détruisent la charpente de la cathédrale.
Les noms des coupables rappellent la famille de Bellême et donne à penser, suivant G Louise, que les trois chevaliers étaient à la solde de Guillaume…
Comment interpréter les soubresauts qui agitent la seigneurie de Bellême à la fin des années quarante ? Si l’on suit la thèse ancienne, relatée par le vicomte de Motey, Guillaume Talvas est victime des Angevins qui après avoir occupé les châteaux du Saosnois, s’empare du Bellêmois, fief relevant directement de la couronne. En fait, dès son avènement, et pour des raisons politiques, Geoffroy Martel, comte d’Anjou, conquiert le comté de Blois puis est investi de l’évêché du Mans où siége un de ses adversaires les plus acharnés, Gervais de Château-du-Loir, un fidèle au roi. Quelques temps après, Geoffroy s’allie avec l’empereur Henri III marié à Agnès, fille de son épouse Agnès et du premier mari de celle-ci, Guillaume III du Poitou. Hugues IV, à la tête du comté du Maine depuis l’éviction d’Herbert Bacon, son grand oncle, se marie avec Berthe de Blois, sous l’œil bienveillant de Gervais. Dans cette guerre contre l’évêque, Geoffroy réplique par les armes et s’empare de Domfort, pointe nord-ouest de la seigneurie de Bellême et d’Alençon ville « normande ». Par ses coups de boutoir, le comte d’Anjou touche à la fois le roi de France et le duc de Normandie. Les Normands répliquent et reprennent très rapidement Alençon et Domfort. Motey suggère que Guillaume Talvas soit allié aux Normands et participe à leurs assauts afin de récupérer ses domaines.
L’avis de G Louise est différent. Guillaume Talvas s’est coupé de sa famille et s’est rapproché des Angevins grâce à son second mariage. Il est évincé de ses domaines par une coalition menée par son propre fils allié à son frère et aux Normands. Ainsi, Guillaume perd Alençon puis Sées et Yves peut enfin entrer dans sa cathédrale… Le comte d’Anjou pallie à la défaillance de Guillaume à Domfort et Alençon mais est obligé d’abandonner la partie en raison de l’offensive d’Henri, roi de France.
Vaincu, Guillaume subit la loi des Normands qui, par le mariage de sa fille avec Roger de Montgomery, font entrer le Bellêmois dans leur mouvance
Vers 1050, l’abbé Avesgaud acquiert pour 6 livres de deniers de Guillaume le Voyer, fils de Beraud de Bellême, l’église de Saint-Pierre de Courgains. Haoille, sa mère à qui l’église appartient en dot reçoit en échange l’église de la Chapelle.Yves, évêque de Séez, confirme la vente, du consentement de Geoffroy, comte d’Anjou et de Geoffroy, frère de Raoul, vicomte de Mans. Guillaume de Bellême, frère de l’évêque la rattifie de même en présence de ses neveux et de nombreux seigneurs (Saint Vincent n° 545 et 548).
Guillaume Talvas meurt vers 1052 au château de Domfront, peu de temps après le mariage de sa fille Mabille (seule héritière des Bellême si on excepte Olivier de Mesle manifestement écarté de la succession) avec Roger de Montgomery. Il est fort probable que le duc de Normandie ait imposé cette union dont il tire avantage en introduisant un de ces fidèles dans cette vaste seigneurie. Peu de temps avant sa mort, Guillaume a réitéré sa donation au futur monastère de Saint-Martin de Sées, de l’ancien domaine de l’abbaye détruite en ce lieu par les normands.
Mabille x Roger de Montgoméry :
Les origines de Roger de Montgomery ne sont pas connues avec certitude. Dans une charte de l’abbaye de Troarn, le mari de Mabille déclare « Moi, Roger, normand issu de normand, fils de Roger le Grand… ». Ce témoignage a permis à beaucoup d’auteurs d’en conclure que les Montgomery sont d’origine viking mais d’après Paul Leportier [30], cette charte comporte des erreurs et est en contradiction avec d’autres textes qui permettent de remonter la généalogie de Robert sur trois générations.
Roger I est vicomte d’Exmes et est cité dans une charte de Guillaume I portant dotation de l’évêché de Sées entre 1015 et 1020 … Rogerio vicecomite… (Cartulaire du Chapitre de Sées). Il est sans doute décédé vers 1045, après son fils Hugues.
Guillaume de Jumièges nomme les cinq fils de Roger I : Hugues, Robert, Roger, Guillaume et Gilbert. Après l’exil de leur père auprès du Capétien "à cause de sa perfidie", ils seraient restés en Normandie "se livrant à toutes sortes de crimes" (WJ VII.2 p.168).
Hugues, époux de Josseline de Bolbec, est le père de Roger II et de Gilbert. Il est sans doute mort avant son père.
Après l’insurrection de son frère, Richard II, duc de Normandie, réorganise le comté d’Exmes et prépose son fidèle Roger II de Montgomery à la haute administration.
Entre 1070 et 1082, don par le comte Roger et Mabille sa femme de la Haia d’Alneti à la basilique notre Dame de Bellême (cartulaire de Marmoutier pour le Perche n°1).
En 1052, Mabille est en possession de Domfront, Alençon et du Saosnois. Elle assure l’exécution des volontés de son père par la fondation de l’abbaye de Saint-Martin de Sées et s’associe à toutes les œuvres religieuses de son époux. Après la mort de son oncle Yves, elle devient la seule héritière de la seigneurie de Bellême.
Dans les années 1050, Roger installe une communauté monastique à Troarn et crée l'abbaye féminine d'Almenèche.
À la fin des années 50, le roi de France, Henri I, s’allie au comte d’Anjou contre les Normands et gagne la bataille de Varaville. Roger de Montgomery poursuit l’armée angevine au-dela de la frontière et chasse du château de Bellême la garnison que Geoffroy Martel y avait mise (1059).
En 1066, Guillaume le Conquérant, confie la garde du sud de la Normandie à Mabille quand il part, en compagnie de son mari, envahir l'Angleterre. Roger devient un des seigneurs les plus puissants d’outre-manche et obtient le titre de comte de Shrewsbury. Pendant ce temps, Mabille défend la frontière normande. En 1069-1070, elle se retrouve seule face au soulèvement du Maine.
En 1073, Guillaume le Conquérant reprend le Maine. Roger de Montgomery et son fils Robert II, qui est armé chevalier à l’âge de 17 ans à Fresnay-le-Vicomte, l’accompagnent dans son entreprise.
Une contestation s'éleve entre la maison des Rotrou et celle des Talvas au sujet de la possession de Domfront, que Rotrou II, comte du Perche et vicomte de Châteaudun, revendique comme ayant été usurpée sur ses prédécesseurs par Guillaume Talvas II, père de Mabille. Une guerre s'en suit entre Rotrou et Roger de Montgomery (À vérifier).
Guillaume de Jumièges nous décrit Mabille sans complaisance : petite de corps, extrêmement bavarde, assez disposée au mal, avisée, enjouée, remplie d'audace et d'une cruauté excessive. Orderic Vital trace, lui-aussi, un portrait particulièrement sordide de cette femme à qui il impute des violences envers les moines de l'abbaye de Saint-Evroult sur Ouche. Elle aurait fait empoisonner Ernault Giroie, seigneur d'Echauffour, et assassiner son beau-frère Gilbert de Montgomery.
Roger et Mabille donnent à l’abbaye de Saint-Martin de Sées, deux domaines et deux églises outre mer (Carturaire de Saint Martin de Sées n° 4 et 252).
Mabille qui, par faveur de Guillaume le Conquérant, avait reçu des biens propres en Angleterre donne à Saint-Martin deux églises dans la vicomté de Cantorbory ainsi que d’autres biens (Cartulaire de Saint-Martin n° 11)
Roger et Mabille ont eu plusieurs enfants :
- Robert II de Bellême x Agnès de Ponthieu ; Il fonde la seconde maison de Bellême ;
- Hugues, héritier de la seigneurie de Montgomery et de Svcrewbury, décédé en 1098 ;
- Roger x Almodis de la Marche ;
- Philippe dit le Grammérien, décédé en 1096 ;
- Arnoul, comte de Pembroke, marié à Lafracote d’Irlande ;
- Emma, religieuse à l’abbaye d’Almenèches, dont elle devient abbesse en 1074 et meurt le 4 mars 1113. Mathilde de Montgomery, fille de Philippe y succède.
- Mathilde x Robert de Mortain fils Herluin et de Erlève de Falaise, maitresse du duc de Normandie Robert le Magnifique ;
- Mabille x Hugues de Chateauneuf, seigneur de Thimerais ;
- Sybille x Robert de Gloucester fils Haimon puis Jean sire de Raimes.
Peu de temps après le décès de Mabille, Roger convole avec Adélaïde de Breteuil, fille d’Evrard, comte de Breteuil en Beauvaisis et vicomte de Chartres et Humberge du Puiset. Le couple laisse :
- Evrard du Puisaye, aumônier d’Henri Beauclerc.
À la fin du mois de novembre 1082, alors que l’évêque de Sées, Girard, vient d’être élu en remplacement de Robert de Dye, décédé depuis peu, Mabille et son fils Hugues s’installent au château de Bures-sur-Dives. Quelques jours après, le 2 décembre 1082, elle est assassinée par Hugues de Salgey, seigneur de la Motte d'Ivré, qui lui tranche la tête. Elle lui avait retiré son fief car il avait pris parti contre les Bellême dans leur querelle avec les Rotrou de Nogent. Elle est enterrée au Monastère de Saint Martin en Troarn qu'elle avait fondé avec son mari Roger.
Ainsi se termine l'histoire de la première maison des sires de Bellême. Robert II, fils de Mabille et de Roger est la souche de la seconde maison des Bellême et des comtes de Ponthieu.
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[1] le comté de Mortain 1952 le moyen-âge Jacques Boussard
[2] La seigneurie de Bellême aux X et XIe siècles in Mélange Louis Halphen Jacques Boussard
[3] Interpolations aux Gesta Normannorum Ducum de Guillaume de Jumièges et Historia ecclesiastica Orderic Vital
[4] La société aristocratique dans le Haut-Maine: XIe-XIIe siècles 1999 Bruno Lemesle
[5] Administration et justice dans une grande baronnie normande au XIe siècle : les terres des Bellême sous Roger II et Robert, dans Lucien Musset, Jean-Michel Bouvris, Jean-Marie Maillefer, Autour du pouvoir ducal normand Xe-XIIe siècles, Cahiers des Annales de Normandie n°17, Caen, 1985, p.143
[6] Origine de la Normandie et du duché d’Alençon de l’an 850 à l’an 1085 1920 Motey
[7] Histoire des pays et comté du Perche et duché d'Alençon 1611 Gilles de Bry de Clergerie
[8] Les premiers anneaux des seigneurs de Bellême Revue des questions historiques 1909 J Depoin
[9] Les origines de la maison de Bellême Etudes sur quelques points d'histoire de Normandie 1926 H Prentout
[10] Revue historique et archéologique du Maine 1929 P Cordonnier-Détrie
[11] Les seigneurs de Bellême 1991-1992 Gérard Louise
[12] Les destinés de la Neustrie du IXe au XIe siècle Cahiers de civilisation médiévales 1968 J Boussard
[13] Le comte et son entourage 1972 Olivier Guillot
[14] Politique et parentèle : les comtes, vicomtes et évêques du Maine Francia 1984 K Keats-Rohan
[15] , « Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066) dans Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie tome XXXVI 1961 Marie Fauroux
[16] De gestis Normanniae ducum seu de moribus et actis primorum Normanniae ducum Dudon de Saint Quentin
[17] The First House of Bellême Trans. Royal Hist. Soc. p.67-99 1940 Geoffrey H. White
[18] Cartulaire de l’abbaye de Saint-Vincent du Mans 1905 L Barrau Dihigo et R Poupardin désormais CSV
[19] Cartulaire de l'Abbayette dane le Bulletin de la commission historique et archéologique de la Mayenne 1894
[20] La noblesse du Midi Carolingien C. Settipani
[21] Actus Pontificum Cenomannis in urbe degentium 1902 publiés par l'abbé G. Busson et l'abbé A. Ledru
[22] Histoire du comté du Maine pendant le Xe et le XIe siècle 1910 Robert Latouche
[23] Cartulaire de Notre-Dame de Chartres t I
[24] Le livre des serfs de Marmoutier publié par André Salmon suivi de chartes sur le même sujet et précédé d'un essai sur le servage en Touraine par M. Ch. L. Grandmaison
[25] Cartulaire de Saint-Père de Chartres
[26] Cartulaire de Marmoutier pour le Perche
[27] Généalogies féodales de la Mayenne du Xe au XIIIe siecles 1942 Alphonse-Vivtor Angot
[28] Gesta Normannorum ducum Guillaume de Jumièges (WJ)
[29] Le Puiset aux XI et XIIe siècles Mémoires de la société archéologique d’Eure et Loir IX A de Dion
[30] Héraldique et Généalogie n° 130 p 32 Paul Leportier