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Nous avons remis à jour notre fichier concernant les relevés des notaires de Savines et nous avons divisé le fichier sur les notaires d'embrun en deux parties car il était trop important et se manipulait difficilement. Nous avons commencé à relever des minutes de Saint-André d'Embrun.

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On connaît Odile de Nice qu’à travers un nombre réduit d’actes. Ceux-ci la montrent dotant les fondations monastiques proches de ses possessions, dans la région niçoise, surtout l’abbaye de Saint-Pons, mais aussi la cathédrale de Nice où son fils Pons fut évêque entre 1011 et 1030 (E Magnani [1] ). La documentation à notre disposition ne révèle pas l’ascendance d’Odile de Nice et les érudits des siècles passés ont essayé, avec plus ou moins de bonheur, de combler cette lacune sans pour autant convaincre.Voyons le parcours de cette dame parfois appelée à tord « vicomtesse » de Nice. Elle fait don, en 1032, de biens qui lui avaient été attribués par Guillaume le Libérateur, comte de Provence et son épouse Azalaïs …que michi odila ex machione Guillelmo et adalix comitissa obvenit… (CL n° 149 [2]) et c’est bien là la pierre d’achoppement car nous ne savons pas exactement à quel titre a eu lieu cette donation. Le manque d’information permet toute sorte d’hypothèse et, le Président Berge [3] sûr de son fait, en a déduit qu’il s’agissait d’une fille du comte (p 67). Beaucoup de généalogistes médiévaux ont suivi cette piste prometteuse mais, à l’image d’Eliana Magnani, peu d’historiens ont été franchement convaincus par cette intuition. Notons que le prénom d’Odile n’apparaît nulle part ailleurs dans la famille de Guillaume le Libérateur. Plusieurs historiens (Manteyer [4] , Poly [5], Geary [6] et surtout A Venturini [7]) nous permettent d’approcher la vérité et d’y voir un peu plus clair sur cette question qui n’a jamais été réellement tranchée.
 
L’identité d’Odile :
Qui est Odile de Nice et que sait-on sur ce personnage qui a certainement été une figure incontournable de Provence Orientale à son époque ? Elle est probablement née vers 970 et décédée entre 1032 et 1033. Son mariage avec Miron de Sisteron a été célébré avant 999 (plus sûrement vers 990). La preuve de cette union se trouve dans la charte n° 1 du cartulaire de St Pons [8] le 9 décembre 999 : Ego Miro et Congex mea Odila…La charte est établie au château de Lurs, en présence de trois enfants du couple, Pons, Bermond et Miron. Dans cet acte, les époux offrent un quart du domaine de La Roche de Saint André sous le château de Revel.
 
Vers 1010, Odile et ses enfants accordent une seconde libéralité à St Pons de Nice sous la forme d’une restitution d’un vaste domaine près de Cimiez [CSP n°3]. Miron de Sisteron est déjà décédé (entre le 15 septembre 1003 et le 11 mai 1004 d’après Manteyer, p 359) et Odile est remariée à Laugier d’Orange-Mévouillon.
 
En 1011, la cathédrale de Nice bénéficie d’une nouvelle largesse d’Odile, de son mari Laugier, et de ses enfants Pons et Miron qui offre un quart des dîmes sur le pain et le vin de la cité de Nice, pour l’âme de Miron, premier mari d’Odile (CN [9] n° 8).
 
Le 16 mars 1029, Odile et Laugier donnent encore à Saint-Pons le territoire du Revest dit Madalperti (CSP n° 5) puis, en 1032, toujours en présence de son mari et leurs fils Raimbaud, Pierre (évêque de Sisteron) et Rostaing de Gréolières, elle cède aux moines de Saint Pons la terre où est implanté le monastère pour la rédemption de leurs âmes et celles du comte Guillaume, de Miron et de Laugier (CL [10] n° 149).
 
La documentation est muette sur les origines de Miron au point que Menteyer le croit de Cerdagne. Peut-être faut-il le rapprocher de Frodon, l’évêque de Sisteron qui est témoin de la première charte de Miron et Odile en 999. Quant à Laugier, Jean Pierre Poly lui attribue une place très stricte au sein de la famille de Mévouillon (La Provence et la société féodale). Il appartiendrait à une fratrie des huit garçons, fils de Pons, apparaissant à l’occasion de son entrée en religion en 1023 avec son frère Pons [11](CLU n° 2866). E Magnani [12] n’est pas aussi affirmative en notant que l’acte ne cite ni son épouse, ni ses enfants…
 
En conclusion, ces quelques chartes accordées aux institutions religieuses nous permettent d’obtenir une bonne photographie de la famille proche d’Odile mais ne nous renseignent pas sur ses ascendants. Il faut donc chercher dans d’autres directions et les historiens s’y sont employés. Les grandes mutations qui prennent naissance en Provence peu avant l’an mille avec le renouvellement des instances administratrices (disparition des Bourguignons, éviction des Sarrazins, apparition de comtes et de vicomtes) justifient l’émergence de nouvelles classes dirigeantes. La famille d’Odile a certainement profité de cette opportunité…
 
Les Reillane-Vence :
Jean Pierre Poly apporte un éclairage intéressant en associant en une seule et même famille les Reillane et les Vence possessionnée à Tourves, dans la vallée de Reillane, autour d’Arles (les marais de Montmajour), à l’est de Marseille (Auriol, Roquevaire…) et, naturellement, dans le diocèse de Vence.
 
Annon est le premier seigneur de Vence dont nous avons connaissance. Son épouse Bonafilia, ses fils Amic x Belletrude et Lambert x Laugarde font une donation à l’abbaye de Psalmody en 1004 pour l’âme d’Annon qui est mort avant 993 …Cuius amore succensi, ego, in Dei nomine, Bonafilia et ego Amicus et uxor mea Belletrude et ego Lambertus et uxor mea Leodgarda, nos omnes….(Manteyer, p 521).
 
Notons qu’Amic et son épouse ont nommé une de leur fille Odile qui est mariée en 1005 à Foulque de Marseille, fils du vicomte Guillaume I. Vers 1040, Foulque et Odile offrent à l’abbaye Saint-Victor de Marseille des droits qu’elle possède à Tourves, Mazaugues et Selan (Cais du Pierlas p 99[13]).
 
La saga des Reillane débute avec Lambert x Galburge qui donnent les marais entourant l’ile de Montmajour vers 975: « Ego lambertus et uxor mea Walburgis…aliquid de fisco quod tenemus pro seniore nostro Guillelmo comiti et frater suo Robaldo…Adalradus firmavit » (HM [14] p 49-50 sans date).

Ce Lambert, parfois confondu avec son homonyme Lambert le juge, semble plus jeune d’une génération. Or, d’après une charte de St-Trophisme (Poly), Lambert le juge aurait pour femme Odile. Ainsi, nous constatons que les anthroponymes Lambert et Odile se croisent dans les deux lignages.     
 
La fondation de Montmajour :
Patrick Geary (La mémoire et l’oubli à la fin du premier millénaire) développe une thèse séduisante sur la fondation de l’abbaye de Montmajour. D’après lui, les proches d’Hugues d’Arles, petit fils de Lothaire et de Valdrade, tentent de maintenir l’unité de son patrimoine et de le mettre à l’abri des puissants comtes, nouveaux maîtres de la Provence, par donation au monastère de Montmajour. Les premiers échanges de propriétés ont lieu entre 949 et 954 entre Mannassès, neveu d’Hugues et une certaine Teucinde, donatrice de l’emplacement de l’abbaye qui n’aurait joué qu’un rôle d’intermédiaire. Le juge Lambert est présent à l’échange. Plus tard, le comte Boson et ses fils Guillaume et Roubaud, aurait empêché un certain Lambert de donner en 977 des biens fiscaux au monastère et ce n’est qu’après la mort de Teucinde qu’ils autorisèrent Lambert (de Reillanne) ancien partisan de Manassès et d’Hugues devenu un fidèle de Guillaume le Libérateur (n’y aurait-il pas, une fois de plus, confusion de l’auteur entre Lambert le juge et Lambert de Reillanne ?), de donner à l’abbaye le vaste marécage qui l’entourait. P.J. Gearyprécise que Teucinde tante de Riculf (qui succède à son oncle Gontard comme évêque de Fréjus et abbé de Montmajour) était apparemment sœur d'Annon et parente d'Albertus et Landbertus (d'après l'Authentique de Saint-Trophisme p 13 et 14).
 
Cette thèse donne une nouvelle occasion de rapprocher les Vence, à travers les prénoms d’Annon (il s’agit probablement de l’évêque d’Arles de 986 à 992) et de Lambert et d’en déduire le tableau ci dessous :

Selon Patrick Geary, le groupe Teucinde, Gontard, Annon, qui est cité au Liber de Remiremont, pourrait appartenir à la parentèle de Waldrade.
 
L’ascendance d’Odile de Nice :
Nous avons mis en place des pièces qui semblent appartenir à un même pulzze. Il faut maintenant les assembler. Laissons ce soin à Alain Venturini, historien de la ville de Vence qui écrit dans son histoire du consulat de Nice : « …plus sûrement, le comte [de Provence Guillaume] conserva le château de Nice, dont les petits-fils d’Annon, fils de sa fille Odile et de son second époux Laugier, n’eurent que la castellania, comme il ressort d’actes du début du XIIe siècle… ». Il ne laisse pas de place au doute et affirme qu’Odile est née dans la famille de Vence. Pour de plus amples informations, voir http://www.cg06.fr/culture/pdf/recherchesregionales185.pdf
 
Donation de la Salette de Saraman :
Il semble que cette localité, situé dans le diocèse de Vence, ait été un bien divisé entre les Vence et les Nice, ce qui laisse présumer d’une ascendance commune. D’après Manteyer, (p 274), les quatre bénéficiaires de la Salette de Samaran en aurait fait don à l’abbaye Saint Victor vers 1040.
  • Bérenger d’Avignon et sa femme Gerberge fille d’Odile et de Miron. Leurs fils Rostaing et Béranger confirme l’acte (CSV n° 790) ;
  • Raimbaud, fils d’Odile et de Laugier (CSV n° 792) et son épouse Adalais ;
  • Amic de Vence, fils d’Amic et petit fils d’Annon et de bonafilia (CSV n° 791) ;
  • Lambert ? (Manteyer nous dit qu’il en avait eu ¼ sans qu’il en fournisse la preuve. Berge se contente de répéter qu’il a eu sa part et Alain Venturini le suppose).

 
Nous déduisons, en accord avec les historiens précités, qu’Odile semble avoir hérité de la moitié de la Salette, de même que les Vence. Manteyer en avait déjà conclu qu’Amic, Lambert et Odile étaient donc frères et sœur et enfants d’Annon et de Bonnefillia ce que confirme Alain Venturini dans son analyse (chapitre V).
 
La famille présumée d’Odile :
Cette étude n’apporte aucune preuve absolue mais un faisceau de présomptions certain de l’appartenance d’Odile à la famille des Reillanne-Vence.
Pour résumer, Il est possible qu’autour de Teucinde, bienfaitrice de Montmajour, se dissimule un groupe de personnages fidèles à Hugues d’Arles, dernier carolingien de la province et, parmi ceux là, un certain Lambert (= Lambert le Juge ?). Rien ne nous empêche de penser qu’ils appartiennent à la parentèle de Waldrade, la grand-mère maternelle d’Hugues, comme semble le suggérer P Geary.
L’arrivée au pouvoir de Boson et de ses fils Guillaume le Libérateur et son frère Roubaud a probablement bouleversées les alliances. Lambert, devenu fidèle des nouveaux maitres de la Provence, occupe alors dès 952 d’importantes fonctions administratives. À la victoire contre les Sarrazins du Freinet, la famille d’Odile, à l’image de celle de Rodoard de Grasse, reçoit des biens en Provence Orientale.
Les ascendants d’Odile ont sans doute profité de biens spoliés à une noblesse ancienne qui disparaît au cours du dixième siècle (la vallée de Reillanne appartenait à Foucher, père de Saint-Mayeul), de dons des Comtes de Provence qui ont ainsi récompensé et placés à des postes-clés leurs fidèles, ainsi qu’à des héritages par mariage. JP Poly nous offre des pistes dans les annexes de sa thèse : quelques actes de l’authentique de Saint-Trophime montrent que les Reillanne-Vence possédaient des alliances avec Raimbert (de Bouc ?) et Thibert (= Guibert de Tourves ?). Or justement, l’épouse de Raimbert de Bouc se prénomme Odile et les Vence possédaient des biens dans la région de Tourves.
 
Les enfants d’Odile :
Pour terminer ce tour d’horizon sur la famille d’Odile, interrogeons nous sur ses enfants et leur devenir.De Miron de Sisteron, son premier mari, sont nés :
  • Miron, vicomte de Sisteron dès 1045, est décédé en 1063 et il n’est pas certain qu’il ait eu une descendance. En 1042, avec sa femme Leutgarde, Miron fils d’Odile offre un manse dans la ville de Trigantio dans le comté de Vence (CSV n° 800) ;
  • Gerberge x Bérenger d’Avignon ; Elle et son mari offre un quart de la Salette de Samaran comme nous l’avons remarqué précédemment et leur fils Rostang, évêque d’Avignon cite son oncle Miron en 1080 dans la charte n° 664 du cartulaire de Saint-Victor ;
  • Pons, évêque de Nice entre 1011 et 1030, s’est appliqué à restituer à l’église des biens usurpés par sa famille ;
  • Bremond, cité avec ses frères à la donation de 999 ;
  • Guillaume, mort jeune, évoqué dans une charte du cartulaire de Nice n° 11 datée de 1018…Poncius gracia dei episcopus…pro remrdium et liberacione anime mee et anima ienitore meo Mirone et genitrice mea Odila et germano meo Miron et Guilielmo….

Laugier d’Orange-Mévouillon lui a donné :
Raimbaud de Nice qui est à l’origine des deux familles d’Orange et de Mévouillon et qui sera l’homme fort de la Provence Orientale ;

  • Pierre, évêque de Sisteron de 1023 à 1043, désigné pour succéder à Frodon avant le décès de ce dernier ;
  • Rostaing de Gréolières qui a laissé une postérité.

Il faut vraisemblablement ajouter à ce tableau, une ou deux filles supplémentaires pour équilibrer le ratio homme-femme. D’ailleurs, Jugné de Lassigny attribue à Odile et Laugier, une fille prénommé Odile (x Isnard) d’où Pierre Balb (ascendant des Glandevès) et Miron Laget. Si l’hypothèse n’est pas chronologiquement indéfendable, il est certainement plus pragmatique de penser que cette Odile est la petite fille d’Odile et de Miron qui aurait légué son prénom à son arrière petit fils.

 

 
 
[1] La dévotion monastique féminine en Provence, Saint Mayeul et son temps 1994 E Magnani
[2] Cartulaire de Lérins désormais CL
[3] Origines rectifiées de maisons féodales Président Berge
[4] La Provence du I au X e siècle Manteyer
[5] La Provence et la société féodale JP Poly
[6] La mémoire et l'oubli Geary
[7] Histoire de Vence et du pays vençois A Venturini
[8] Cartulaire de saint-Pons de Nice désormais CSP
[9] Cartulaire de la Cathédrale de Nice désormais CN
[10] Cartulaire de Lérins désormais CL
[11] Cartulaire de Cluny désormais CLU
[12] Monastères et aristocratie en Provence Milieu du X - debut du XII siècle E Magnani
[13]Etudes généalogiques dans les Alpes Maritimes Caïs de Pierlas.
[14] Histoire de Montmajour désormais HM
 
 

Commentaires

Bonjour, Je vous propose de

Bonjour, Je vous propose de consulter ce que j'avais écrit sur le sujet voici quelques années ici: http://chroniqueprovencale.blogspot.fr/2009/04/odile-de-provence- contrairement.html ainsi que le site de la revue "ARCHEAM" dans laquelle est paru l'article du Professeur CLAMENS: http://www.archeam.fr/revues/num%C3%A9ro-16 (Pour info j'ai pu me procurer une copie du texte d'env 16p si ma mémoire est -encore- bonne! Meilleures salutations et bravo pour votre gros travail. Jean-Pierre LOMBARD Châteauneuf-Villevieille 06390

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