C'est au détour d'une lecture de portraits de femmes remarquablement traçés par l'historien Georges Duby [1] qu'a surgi la personnalité d'Aliénor à laquelle, jusqu'alors, nous n'avions pas porté très attention. Par l'exemple d'Aliénor, cet auteur met en avant la condition peu enviable de la femme noble au moyen-âge et le manque de considération que les hommes accordaient généralement aux princesses de cette époque. Nous avions déjà fait cette remarque à propos de Constance de France, fille de Louis VI, roi de France, sucessivement épouse d'Estienne de Blois (prétendant à la couronne d'Angleterre) et de Raymond VI, comte de Toulouse. La stratégie matrimoniale des princes l'emportait sur toute autre considération...
Aliénor d'Aquitaine (1124 - 1204) est un des personnages féminins les mieux connus mais aussi des plus controversés du moyen-âge. Petite fille du troubadour Guillaume IX, héritière de l'Aquitaine, femme d'un roi de France puis reine d'Angleterre, mère de Richard Coeur-de-Lion mais aussi de Jean-sans-Terre, son destin est exceptionnel. Pourtant, les chroniqueurs des XIII et XIVe siècles ont sali sa mémoire, relayés par une majorité d'historiens plus ou moins anciens et, pour un de ses défenseurs modernes, Martin Aurell [2], elle est victime d'une véritable légende noire. Il semble toutefois que les médiévistes d'aujourd'hui aient quelques peu changé leurs points de vue sur cette reine dont on dit qu'elle n'a pas toujours agi dans l'intérêt de son pays et que l'on décrit souvent comme volage et mauvaise conseillère.
Plusieurs auteurs et non des moindres ont tenté de réhabiliter Aliénor :
pour n'en citer que quelques-uns.
La parentèle d'Aliénor :
Aliénor est née en 1024 de Guillaume X, duc d'Aquitaine, et d'Aénor de Chatellerault. Ses ancêtres sont bien identifiés comme le montre le tableau ci-dessous.
Guillaume le Troubadour :
Guillaume le Troubadour, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine, est le plus ancien poète médiéval. Ses vers traitent le plus souvent des femmes, de l'amour et de ses prouesses sexuelles (Wikipédia). Au retour de croisade, il rédupie son épouse Philippie de Toulouse et vie publiquement avec sa maitresse Amalaberge/Malbergeonne/ Dangerosa, aussi femme d'Aimeric de Chatellerault. D'après C Settipani [6] p 279, qui lui donne pour parents Barthélemy de l'Ile-Bouchard et Gerberge [de Blaison], son surnom Dangerosa indique une enfant difficile.
Sur un forum dédié à la généalogie, Christian Settipani donne quelques détails supplémentaires à propos de Amalaberge : Dangerosa is named with her father Barthelemy of L’Isle-Bouchard in 1087 (Cart. Noyers, no 143). It is only in view of her name, very infrequent, that she’s identified by all scholars with Dangerosa wife of Aimery viscount of Chatellerault in 1109 (Arch. Hist. Poit., VII, p.346). Other sources names Mauberge or Maubergeonne as the wife of a viscount of Chatellerault, concubine of duke William d’Aquitaine. Perhaps the same person.
Guillaume a eu au moins trois garçons et une fille :
- Guillaume X qui suit ;
- Agnès femme de Ramire d'Aragon ;
- Raymond époux de Constance d'Antioche, fille de Bohémon II et d'Alix de Jérusalem ;
- Henri, prieur de Cluny.
Guillaume X, duc d'Aquitaine et Aénor de Chatellerault :
Les parents d'Aliénor se marient vers 1120. Guillaume succède à son père en 1126 et règne sur le duché jusqu'à sa mort en 1137. Au décès Aénor, vers 1130, il se remarie avec Emma de Limoges.
Bien que Guillaume se soit particulièrement adonné aux oeuvres guerrières, les troubadours, tel Marcabrun, ont accès à sa cour (A Richard [7] Vol II p 53).
Guillaume et sa première femme ont eu deux filles et un garçon décédé en bas âge :
- Aliénor née en 1123 ou 1124 (elle a 13 ans en 1137) ;
- Pétronille/Aélis femme de Raoul I de Vermandois, sénéchal de France et cousin du roi ;
- Guillaume Aigret (1130 - 1137).
D'après L Delayant [8], Guillaume, par son testament rédigé avant son départ pour un pélerinage, laisse à Pétronille ses possessions en Bourgogne et à Aliénor l'Aquitaine et le Poitou, mettant cette dernière sous la protection du roi de France en exprimant le désir qu'elle épouse un de ses fils. Guillaume est décédé sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle.
Le premier mariage d'Aliénor :
Au décès de son père, Aliénor devient, à 13 ans, l'héritière de l'Aquitaine, duché qui regroupe le Poitou, la Gascogne, le Limousin et l'Auvergne. Excitant les convoitises, elle est alors mariée en juillet 1137 au futur Louis VII qui est, à deux ans près, du même âge qu'elle.
En 1139, Aliénor confirme un don des seigneurs de Châtelaillon aux templiers de la Rochelle (L Delayant).
En 1140, elle assiste, avec son mari et sa belle-mère à la consécration de l'église Saint-Denis (L Delayant).
Le couple royal fait don à l'abbaye de Fontevrault d'une rente de 500 sous poitevins, tant assignée sur le produit des foires qui se tiennent à Poitiers en carême que sur celui du minage (Richard II).
En 1141, Aliénor, reine de France et duchesse d'Aquitaine, confirme tous les dons faits à l'abbaye de Notre-Dame de Saintes (Chartes du Poitou).
D'après Régine Pernoud (Aliénor d'Aquitaine 1966), Aliénor influe sur la politique de son mari. Leur jeunesse et leur inexpérience ne jouent pas en leur faveur et le gouvernement de leurs états en pâtit, surtout que la voix de la sagesse incarnée par le moine Suger a été éloignée durant une longue période.
En 1141, nait une idylle entre Pétronille, sœur Aliénor, et Raoul de Vermandois, ancien sénéchal du roi de France, marié à une nièce de Thibaud V de Champagne. Raoul demande le divorce (pour cause de consanguinité) que le clergé lui refuse mais vit avec sa concubine à peine âgée de dix-sept ans. Aliénor prend la défense de sa sœur alors que Thibaud V s’agite dans ses terres et menace la paix. Louis VII part en campagne contre son bouillant vassal. Son armée rencontre les Champenois à Vitry et incendie les maisons. Le feu gagne l’église dans laquelle la population s’était réfugiée. Louis semble très choqué par cette affaire et fait vœux d’un pélerinage.
En 1147, Bernard de Clairvaux prêche pour une nouvelle croisade au Vézelay et Louis VII, enthousiaste, décide de s'y engager. Plusieurs femmes dont Aliénor, Sybille d'Anjou femme de Thierry d'Alsace, Faydida d'Uzès épouse d'Alphonse Jourdain de Toulouse... suivent leur mari et sont accusées de ralentir l'armée des croisés.
Louis VII et sa femme sont acceuillis à Antioche par Raymond, oncle d'Aliénor, qui incite le roi à assiéger Alep et Césarée avant de descendre vers Jérusalem. Louis VII refuse alors qu'Aliénor se range du côté de son oncle. Les relations entre Raymond et sa nièce sont si intimes que l'archevêque de Tyr insinue qu'il existe entre eux une relation charnelle. La légende d'Aliénor prend ses racines dans ces ragots ramenés d'Orient...
Dès cet instant, le couple ne semble plus s'accorder. Au retour d'une croisade marquée par aucune victoire, Louis VII et Aliénor, qui font route séparemment, sont invités par le pape Eugène III à se reconcillier.
En 1151, Aliénor rencontre Henri Plantagenêt et son père Geoffroy le Bel d'Anjou venus à Paris prêter hommage à Louis VII pour le duché de Normandie. Selon certains chroniqueurs de l'époque, un amour serait né entre Geoffroy et Aliénor. La légende noire d'Aliénor est en marche...
Malgré la naissance de deux petites filles, la nullité du mariage du couple royal est prononcée par un concile d'évêques réuni le 21 mars 1152, en raison de la parenté qu'il existe entre eux (voir tableau ci-contre). L'héritier mâle qui aurait pu sceller leur union n'est pas arrivé à temps et le roi en est très contrarié.
Louis VII et Aliénor n'ont mis au monde que deux filles :
- Marie (née vers 1138) x Henri "le Libéral" de Blois ;
- Alix (née vers 1150) x Thibaud V de Blois.
On reproche très souvent à Aliénor d'avoir provoqué ce "divorce".
Aliénor, reine d'Angleterre :
Un peu plus d'un mois plus tard, Aliénor s'unit à Henri II Plantagenêt, comte d'Anjou et de Normandie, roi d'Angleterre dès 1154, sans avoir pris le soin d'en avertir le roi de France, suzerain direct des deux mariés, comme l'impose les coutumes féodales de cette époque (Louis n'aurait pas autorisé un mariage qui réunissait l'ensemble des provinces de l'ouest de son royaume). Henri est le cadet d'Aliénor d'une dizaine d'années mais aussi son cousin au même titre que son précédent mari.
Le 26 mai 1152, Aliénor confirme, en tant que duchesse d'Aquitaine, les privilèges du monastère de Montierneuf (Hivergneaux [9]) et le lendemain, elle confirme la donation de la forêt de la Sèvre à l'abbaye de Saint-Maixent qu'elle lui avait donnée autrefois avec Louis le Jeune, son premier mari (A Richard).
En 1153, peu après la naissance de son premier fils Guillaume, Aliénor renonce à toutes les coutumes que ses baillis exigeaient pour elle et pour eux, sur les prieurés de la Saintonge (Richard II p 115).
Vers 1154, Aliénor, reine d'Angleterre, duchesse d'Aquitaine et contesse d'Anjou, confirme un traité fait entre le trésorier et le chapitre de Saint Hilaire, au sujet de quelques biens que ce trésorier cède au chapitre sous la condition de certaines redevances (Chartes du Poitou).
Au cours des années qui suivent, Aliénor suit son mari dans ses voyages, siège à ses côtés aux cérémonies et aux fêtes et lui donne une nombreuse descendance. Plusieurs indices permettent de penser que la reine joue un rôle discret mais efficace auprès de son auguste époux.
En décembre 1156, Aliénor renouvèle les privilèges de l'abbaye de la Sauve en Bordelais et confirme, avec son mari, des dons que Guy-Geoffroy avaient faits jadis à l'abbaye de Maillezais (Richard II).
Au fil du temps, les relations entre Henri et Aliénor se détériorent et, dès 1166, Henri vit maritalemnent avec sa maitresse Rosamonde Clifford. Les chroniques de Londres accusent formellement la reine d'avoir fait périr sa rivale dans d'atroces souffrances. Or, lorsque Rosamonde meurt, en 1176, Aliénor est encore en résidence surveillée. La légende noire d'Aliénor se pertétue...
En 1168, Henri charge Aliénor du gouvernement de ses domaines héréditaires, plaçant toutefois auprès de la reine, un homme à lui, Patrice, comte de Salisbury qui tombe peu après dans une embuscade tendue par les seigneurs de Lusignan (Richard).
A la même époque, l'acte n'est pas daté, Aliénor reçoit la requête des moines de Maillezais, tendant à leur accorder la possession du minage de Maillé, ce qu'elle fait aussitôt en accord avec son fils Richard, duc d'Aquitaine et en présence d'Aldebert, comte de la Marche, de Raoul de Faye, du vicomte Guillaume de Chatellerault, de son conétable Saldebreuil et d'autres personnages qui composent sa cour ordinaire (Richard II p 158).
Vers 1170, Aliénor, reine d'Angleterre, duchesse de Normandie et d'Aquitaine, et contesse d'Anjou, donne en pure aumône aux religieux et religieuses du prieuré de St-Bibien d'Argenton, le droit de chauffage et de prendre du bois nécessaire dans la forêt d'Argenton pour les besoins de ce prieuré et des membres en dépendants (Chartes du Poitou).
Vers 1170, Aliénor d'Aquitaine accorde aux chanoines de Saint-Hilaire-le-grand de Poitiers tous les droits et coutumes qu'elle levait à Benassay, à condition qu'ils célèbreraient tous les ans après sa mort son anniversaire (Chartes du Poitou).
En 1173, les jeunes fils du couple royal se rebellent contre leur père, suivis ou conseillés par Aliénor. la révolte se propage dans tous les territoires confiés par le roi à sa projeniture et en Aquitaine en particulier, gouvernée par Richard et sa mère. L'insurection est pilotée par Louis VII qui tente, par ce stratagème, de miner l'autorité du Plantagenêt. En juin 1174, Aliénor est arrêtée sur ordre de son mari et enfermée dans une tour du Château de Salisbury. Elle y reste de nombreuses années en résidence surveillée. Toutefois, dès 1183, au décès de son fils ainé qui demande à son père de la libérer, sa captivité s'adoucit.
En 1184/85, Aliénor est encore le jouet de la politique anglaise. Elle est obligée de prendre possession de Gisors à la mort de son fils Henri le Jeune pour ne pas avoir à rendre à Philippe-Auguste la place qui faisait parti de la dote de sa soeur, femme du dit Henri. Un an plus tard, le roi d'Angleterre dépouille son fils Richard du Poitou et de ses dépendances prenant le prétexte de les rendre à son épouse (Richard II p 233).
Aliénor est réellement délivré de son mari qu'à la mort de celui ci qui survient en 1189.
Aliénor et et Henri II ont eu au moins huit enfants :
- Guillaume Plantagenêt (1153 - 1156), duc d'Aquitaine à sa naissance ;
- Henri le Jeune (1155 - 1183), époux de Marguerite, fille de Louis VII, premier mari d'Aliénor, et de Constance de Castille ;
- Mathilde (1156 - 1189) qui épouse, en 1168, Henri le Lion duc de Saxe et de Bavière ;
- Richard "Coeur de Lion" (1157 - 1199), roi d'Angleterre, époux de Bérengère de Navarre ;
- Geoffroy (1158 - 1186), duc de Bretagne par son mariage en 1181 avec la duchesse Constance (1161-1201), d'où un fils Arthur, prédendant à la couronne d'Angleterre contre son oncle Jean ;
- Aliénor (1161- 1214) qui, en 1177, épouse le roi Alphonse VIII de Castille (1155-1214), mariage dont est issue Blanche de Castille mère de Saint-Louis ;
- Jeanne (1165 - 1199) qui épouse Guillaume II, roi de Sicile, puis Raymond VI de Toulouse ;
- Jean sans terre (1166 - 1216), roi d'Angleterre (1199-1216) époux d'Isabelle d'Angoulême.
Les dernières années :
A presque soixante dix ans, Aliénor agit en princesse souveraine et déploye une grande activité au profit de ses enfants. A peine libérée, elle uniformise les mesures pour les grains, les liquides et les longueurs de tissus et établit une monnaie valable dans toute l'Angleterre. Aliénor fonde aussi un hôpital dans le Surrey (R Pernoud).
A l'extrême fin du XIIe siècle, Aliénor délivre des chartes de communes jurées en faveur de Poitiers, Oléron, Saintes ou la Rochelle. En 1199, elle suprime toutes les mauvaises coutumes dans une charte en faveur des habitants de la ville de Bordeaux (Hivergneaux).
Avant de partir pour la croisade, son fils Richard Coeur-de-Lion la nomme régente du royaume d'Angleterre.
Aliénor prépare le mariage de Richard avec Bérengère de Navarre, fille de sanche VI. Les noces sont célébrées, hors de sa présence, dans l'ile de Chypre.
Si elle participe peu aux affaires du pays, elle s'active pour faire libérer Richard capturé par Léopold d'Autriche à son retour de croisade et retenu par Henri VI, empereur romain. Elle réunit la rançon et la remet personnellement au geolier de son fils. Entretemps, son fils cadet, Jean, et Philippe-Auguste, roi de France, intriguent pour se partager les domaines de Richard.
En 96, elle décide de se consacrer à la vie monastique et choisit de se réfugier à l'abbaye de Fontevrault mais sa retraite reste très troublée. Plusieurs deuils la touchent de près : ses filles Alix de Blois et Marie de Champagne ; sa fille Jeanne, comtesse de Toulouse, qui meurt en couches ; Richard qui est mortellement blessé...
En 1198, Aliénor appuye la candidature de Maurice de Blaison, son parent à l'archevêché de Poitiers qui est élu après plusieurs tentatives (Richard II p 320).
En 1199, Aliénor octroie une rente à l'abbaye de Fontevrault. Elle lui donne également la villa de Jaunay et toutes ses dépendances pour ses cuisines (Hivergneaux).
A la mort de Richard se pose le problème de sa sucession. Aliénor soutient son fils Jean en dépit des droits de son petit-fils Arthur, duc de Bretagne, et l'aide à son accession au trône d'Angleterre.
Le 21 avril 1199, Aliénor fait donation à Lucas, abbé de Turpenay, de l'étang de Langeais et des moulins que ses eaux faient tourner, en récompense des services qu'il a rendu pendant la dernière maladie du roi Richard. Elle associe son fils Jean à son acte (Richard II p 333).
Le 4 mai 1199, diplome d'Aliénor, reine d'Angleterre, duchesse de Normandie et d'Aquitaine, et comtesse d'Anjou, qui confirme la fondation et les privilèges de l'abbaye de Montierneuf de Poitiers (Chartes du Poitou).
Le 5 mai 1199, Aliénor restitue les bois de Vasles que son fils Richard avait enlevés par violence à l'abbaye Sainte-Croix de Poitiers (Chartes du Poitou).
La même année, Aliénor délivre aux religieux de Saint Eutrope de Saintes, une charte de reconnaissance de leurs droits de franchise que son père et son grand-père leur avaient jadis octoyés et qui en avaient été dépouillés par Richard (A Richard II p 345).
Au début de l'été 99, alors qu'elle se repose à Fontevrault, Aliénor rejoint Philippe-Auguste à Tours pour lui rendre hommage du duché d'Aquitaine (Richard II p 353).
Vers 1200, Aliénor, reine d'Angleterre et duchesse d'Aquitaine, confirme tous les dons que son fils Richard a faits à l'abbaye du Pin (Chartes du Poitou)
En gage de paix entre les Capétiens et les Pantagenêts, Aliénor favorise le mariage entre sa petite fille, Blanche de Castille et le futur Louis VIII, fils de Philippe-Auguste.Les noces sont célébrées le 23 mai 1200 par l'archevêque de Bordeaux.
Le 6 octobre 1200, Aliénor, à la sollicitation de son parent Maurice de Blazon/Blaison, évêque de Poitiers, exempte de toute taille et de toute coutume, de l’ost et de la chevauchée les habitants du bourg de Saint Maixent (Richard II p 384).
Le 8 janvier 1202, Aliénor confirme la donation de terres à Boussais et à Vizai que Guillaume des Roches avait faite à l'abbaye de Fontaine le Comte et exempte les religieux du droit de chenage (Richard II p 436).
En 1202, le jeune Arthur, allié à Philippe-Auguste qui tire les ficelles, assiège Mirebeau, place où est réfugiée Aliénor. Le jeune duc est stoppé par le roi d'Angleterre et probablment assassiné. Toutefois, malgré les efforts d'Aliénor pour sauver l'empire Plantagenêt, Jean sans Terre n'est pas de force à résister aux entreprises de Philippe-Auguste, décidé à reconquérir l'Ouest du continent. L'Anjou tombe début 1204.
Régine Pernoud, dans une fresque historique romancée mais très documentée, nous présente une Aliénor humaine et belle, aimant le luxe oriental, les fêtes et les troubadours. Une princesse énergique qui a influé sur la politique de ses deux maris. R Pernoud distingue très nettement deux périodes alors qu'Aliénor est reine de France. Au cours de la première, qui dure jusqu'au facheux épisode de Vitry le Brûlé, les deux époux qui ne se sont pas choisis vivent en symbiose et les décisions de Louis sont inspirées par sa jeune épouse puis apparait un détachement irrémédiable de l'un pour l'autre qui se traduit par une rupture définitive. Femme du futur Henri II par choix, elle participe et partage la politique du Plantagenêt dans les premières années de leur mariage avec, pour fol espoir, l'unification des couronnes de France et d'Angleterre sur la tête de son fils ainé Henri. La naissance de Philippe Auguste, en 1165, a mis fin à ce curieux projet. Le despotisme et la rudesse de son mari l'éloigne peu à peu de cet homme à qui elle a donné huit enfants. La rébellion des fils sonne le glas du couple... Alinor, après une quainzaine d'années d'une semi-liberté en Angleterre, se met au service de ses fils Richard et Jean.
Avouons que nous ne savons pas grans chose de l’éducation et de la culture d’Aliénor avant son premier mariage, même pas ses sentiments au sujet des troubadours qui ne devaient pas manquer à la cour de Poitiers. Ce qui est sûr, c'est qu'au fil du temps, sa personnalité se marque et qu'elle est bien décidée à mener sa vie privée et publique comme elle l’entend. Par nécessité, mais plus sûrement par goût, elle s'est intéressée à la politique, surtout celle qui touchait son propre héritage. Edmond-René Labande [10], qui a mené une étude comparative du destin des cinq filles d'Aliénor, montre que cette dernière n'a pas eu de relations très suivies avec chacune d'elle. Elle avait manifestement reporté toute son affection sur son fils Richard et a déployé toute son énergie au service de son autre fils, Jean, à l'extrême fin de sa vie.
Finalement, Aliénor est une femme hors de son temps. Elle ne s’efface pas devant ses maris et gouverne elle-même ses états. Elle a certainement eu des amants à une époque où il est impensable qu’une femme trompe son mari. Elle est choquante, surtout pour les ecclésiastiques qui sont souvent à l’origine des chroniques écrites au moyen-âge et qui ne nous la présente pas sous le meilleur angle possible, loin s’en faut…
Aliénor s'éteint le 31 mars 1204 à Fontevrault à plus de 80 ans.
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Bibliographie
[1] Dame du XIIe siècle. I. Héloïse, Aliénor, Iseut et quelques autres. 2, Le souvenir des aïeules. 3, Ève et les prêtres 1995 Georges Duby
[2] Aux origines de la légende noire d'Aliénor d'Aquitaine Royautés imaginaires (XIe-XVI siècles) colloque de l'université de Paris X-Nanterre 2003 Martin Aurell
[3] Aliénor d'Aquitaine en son temps , Aliénor d'Aquitaine n° 81 de la revue 303, arts, recherches et création Nantes 2004 M Aurell
[4] Aliénor d'Aquitaine (1124-1204) et ses historiens : la destruction d'un mythe ? M Aurell dans Guerre, pouvoir et noblesses au Moyen Âge, Mélanges en l'honneur de Philippe Contamine, 2001
[5] Une reine insoumise 2004 Jean Flori
[6] La noblesse du midi carolingien 2003 C Settipani
[7] Histoire des comtes de Poitou Volume II 1903 A Richard
[8] L Delayant Revue d'Aquitaine n° 12 (1875)
[9] Aliénor d'Aquitaine, le pouvoir d'une femme à la lumière de ses chartes (1152-1204) Marie Hivergneaux La cour Plantagenêt (1154-1204), colloque de Thouars, dir. M. Aurell, Poitiers, C.E.S.C.M., 2000
[10] Les filles d'Aliénor d'Aquitaine Edmond René Labande dans Bibliothèque de l'école des Chartes 1986