Les témoignages de ses contemporains sont unanimes : Louis de Clermont, seigneur de Bussy est le prototype du gentilhomme à la cour des Valois. Ils vantent sa beauté et son élégance, son courage, son orgueil et ses duels, sa verve et ses exploits amoureux mais ils notent aussi qu'avide de querelles, dépourvu de sens moral et dénué de tout scupule, il gaspille rapidement son capital dans de misérables aventures.
A une époque où le roi Henri III et son frère François, duc d'Alençon puis duc d'Anjou, fils d'Henri II et Catherine de Médicis, se chamaillent et se jalousent à tout propos, Louis de Clermont est le bras armé du cadet et, à ce titre, peu aimé du souverain. Bussy a manifestement attisé la mauvaise entente entre les deux frères.
La famille de Bussy :
Bussy appartient à l'ancienne noblesse d'Anjou. Il est fils de Jacques de Clermont, seigneur de Gallerande et de Catherine de Bauveau. Il possède Charles V parmi ses aïeux et, par sa grand mère paternelle, il descend des seigneurs d'Amboise, avec plus de 500 ans d'histoire derrière eux (voir Annexe 1). Son oncle maternel, Georges d'Amboise était archevêque de Rouen et cardinal lorsqu'il est décédé en 1550.
La carrière de Bussy :
Nous ne savons rien de son enfance et de son éducation mais, très tôt, à peine âgé de vingt ans, on reconnait ses qualités pour le métiers des armes et le roi lui confie dès 1568 le commandement d'une compagnie.
Le 24 août 1572, Louis profite du massacre de la Saint-Barthélémy pour se débarasser de son cousin Antoine de Clermont, huguenot, avec lequel il était en procès au sujet du marquisat de Renel mais il doit restituer les biens du défunt à sa famille en vertu d'une loi promulguée le 6 juillet 1573 au sujet des confiscations.
En février 1573, Bussy prend part aux opérations du duc d'Alençon, commandant en chef des forces catholiques. En juin 1574, après une campagne en Basse-Normadie, toujours contre les protestants, Louis est nommé "Maitre-de-camp" et reçoit le commandement de quatre compagnies. Il devient ainsi colonel de régiment.
Le 1 septembre 1574, Bussy, à l'assaut de Fontenay-le-Comte sous les ordres du duc de Montpensier, est atteint au bras d'un coup d'arquebusade et, en octobre de la même année, il est devant Lusignan, ville prise par les réformés. Impétueux, il est à nouveau blessé à l'attaque de la Vacherie et doit marcher avec des béquilles jusqu'en janvier de l'année suivante.
L'année 1575 est un tournant dans la vie de Bussy. Il devient l'amant de Marguerite de Valois, femme du futur Henry IV et soeur du roi Henri III.
Au service du duc d'Alençon, les querelles avec les mignons du roi se multiplient : avec Georges de Saint-Phal, tout d'abord, que Bussy provoque volontairement et qui est l'occasion de se battre en troupe (le roi interdit formellement le duel entre les deux jeunes hommes) puis, quelques jours plus tard, avec Louis du Guast qui le charge avec douze hommes d'armes. Le clan du duc d'Alençon, hostile au roi, profite de cet accroc pour quitter Paris en grande pompe.
Le 14 mai 1576, une paix de façade est signée entre Henri et François. Bussy est de retour à la cour du roi. Il est alors investi par François du gouvernement de l'Anjou, au grand désagrément d'Henri III. S'il est bien accueilli à Angers, l'accord entre Louis et les angevins s'avère de courte durée. Les bourgeois de la ville protestent contre les vexations et les désordres engendrés par les gens du nouveau gouverneur. Les compagnies du sieur Bussy ravagent et rançonnent la province.
Investi de ses nouvelles fonctions, Bussy, plus arrogant que jamais, continue à semer la provocation et les embrouilles. Il se gausse ouvertement d'Henri le "Jour des Rois" et défie Philibert de Gramont à un bal du Louvre. Le 1 février 1577, Caylus, Saint-Luc, Joyeuse et plusieurs autres mignons du rois surprennent Bussy près de la porte Saint-Honoré mais il échappe de peu à l'embusquade. Il demande alors la permission d'affronter Caylus en duel. Le roi s'y oppose encore mais l' escarmouche entre leurs favoris agrave la discorde entre Henri et François.
Le roi, informé de la tyranie que Bussy fait peser sur l'Anjou, décide de lui retirer le gouvernement de la province et lui demande de rejoindre les troupes du duc d'Anjou mais Bussy, insolent, brave l'autorité royale durant quelques semaines. Enfin, le 27 mai 1577, il rejoint Issoire où l'attendait son maitre.
François se sentant prisonnier de son frère, fuit la cour avec l'aide de sa soeur Marguerite et prend le chemin d'Angers rejoindre Bussy. La guerre entre les deux frères couve malgré l'intervention de Catherine de Médicis, la reine mère. Bussy continue à profiter des largesses de François qui l'investit du titre d'abbé commendataire de Bourgueil.
Au cours de l'été 1578, Bussy participe à l'expédition française contre les Espagnols. Il est a Mons où le duc d'Anjou a concentré ses troupes lorsqu'un certain Carles Lyon d'Oraison, seigneur de Barles, lui cherche querelle. Plusieurs lettres de provocation sont échangées mais il semble que Louis, soutenu par son maitre, ait refusé le duel proposé par le gentilhomme provençal. Louis participe aux évènements de Flandres avec sa valeur et son courage habituel.
En janvier 1579, Bussy est en conflit avec Jacques d'Estampes, seigneur de la Ferté-Imbault et un duel a lieu le 24 février. Louis blesse son adversaire mais les deux protagonistes, amis de longue date, se reconcilient peu après.
L'arrogance de Louis finit par lasser ses proches et, certainement aussi, le duc d'Anjou. C'est sans doute ce trait de caractère qui le perd. Après s'être mis à dos le roi, il a usé son crédit auprès de son plus ferme soutien qui le lâche à son tour.
Le drame de la Coutancière :
Alexandre Dumas, qui a mis en scène la tragédie sous le nom de "La dame de Montsoreau", a deformé la réalité historique au profit de ses héros mais soyons indulgent avec cet auteur qui a permis que ce fait divers traverse les siècles et qu'on s'y attarde encore.
Françoise de Maridor, fille d'Olivier baron d'Avoir et d'Anne de Matignon, a 26 ans ans lorsqu'elle rencontre Bussy d'Amboise. Elle est veuve de Jean de Coesmes, baron de Cucé et de Bonnetable, et mariée depuis le 10 janvier 1575 à Charles de Chambes, comte de Montsoreau, grand veneur du duc d'Anjou, homme au caractère altier et farouche.
Nous ne savons rien des amours de Françoise et de Louis mais il est fort probable qu'il n'ait rien obtenu d'elle. Françoise faisait simplement l'objet de la convoitise de Bussy et n'avait certainement pas répondu à ses avances...
Peu avant son départ pour la grande-Bretagne, le duc d'Alençon qui doit régler son mariage avec la reine d'Angleterre exhibe au roi une missive de Bussy qui lui annonce qu'il a tendu des rêts à la biche du grand veneur et se vante de la tenir dans ses filets. Fanfaronnade suppléméntaire et inutile mais fanfaronnade lourde de conséquences ! Henri III, plusieurs fois meurtri par l'insolence de Bussy, profite de l'indiscrétion - vraissemblablement volontaire - de son frère pour se débarasser de ce compromettant personnage.
Henry III dévoile la lettre au comte de Montsoreau, l'incitant à ne pas laisser impuni l'affront dont il est l'objet. L'époux aurait obligé Françoise, un pistolet sur la gorge, à convier son amant à un rendez-vous galant au château de la Coutancière.
Le mercredi 19 août 1579, à l'heure indiquée, le gouverneur d'Anjou, accompagné par Claude Colassau qui lui servait d'intermédiaire, se présente à la Coutancière. Il est alors assailli par une escouade de spadassins à la tête de laquelle apparait Charles de Chambes lui-même. Blessé, Louis parvient à s'échapper par une fénêtre lorsqu'il reçoit un coup mortel porté par derrière.
Ni le roi, ni le duc d'Alençon ne sont très émus en apprenant la mort du gouverneur d'Anjou. Par contre, la reine Margot, leur soeur, composa un poème en souvenir de son ancien amant.
Ce meurtre est la source d'une longue et farouche inimitié entre les Clermont et les Montsoreau jusqu'à l'intervention du roi, neuf ans après le drame.
Quant Charles et Françoise, ils reprennent le cours de leur vie et eurent plusieurs enfants à la suite de cet évênement tragique.
ANNEXE 1 : généalogie simplifiée de Louis de Clermont, seigneur de Bussy
Annexe 2 : généalogie de Françoise de Maridor
Bibliographie :
Un mignon a la cour d'Henri III : Louis de Clermont sieur de Bussy d'Amboise 1885 André Joubert.
Les derniers Valois : François II, Charles IX, Henri III 1900 René de Belleval.
Chroniques des comtes d'Anjou et des seigneurs d'Amboise 1913 Halphen et Poupardin.
Dictionnaire de la noblesse François-Alexandre Aubert de La Chesnaye-Desbois.